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est certainement une période de décadence littéraire ; cependant il ne faut pas aller plus loin que le fait lui-même, ni lui attribuer un caractère absurde de logique et de nécessité. La poésie est en sommeil au XVIIIe siècle, faute de poètes ; mais cette faillite n’est pas la conséquence d’une trop belle floraison antérieure ; elle est ce qu’elle est et rien de plus. Si on lui donne le nom de décadence, on admet une sorte d’organisme mystérieux, un être, une femme, la Poésie, qui naît, se reproduit et meurt à des intervalles presque réguliers, selon les habitudes des générations humaines, conception agréable, sujet de dissertation ou de conférence, mais qu’il faut écarter d’une discussion où l’on ne veut que faire l’anatomie d’une idée.

Ce qui caractérise la poésie du XVIIIe siècle, c’est l’esprit d’imitation. Ce siècle est romain par l’imitation. Il imite avec fureur, avec grâce, avec tendresse, avec ironie, avec bêtise ; il imite avec conscience ; il est chinois en même temps que romain. Il y a des modèles. Le mot est impératif. Il ne s’agit pas qu’un poète dise l’impression que lui fait la vie : il faut qu’il regarde Racine et qu’il escalade la montagne. Singulière psychologie ! Le même philosophe qui ruine en politique l’idée de respect, la recrépit et la rebadigeonne