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rer, et elles ne peuvent changer. S’il s’agit de l’évolution sociale et politique des peuples, non seulement il n’y a plus de lois nécessaires, mais il n’y a même plus de lois même très générales ; ou bien ces lois, se confondant avec les faits qu’elles expliquent, en viennent à ne plus être que de sages et honorables constatations ; ou bien encore elles constatent, quoique avec emphase, le principe même du mouvement. Donc les empires naissent, croissent et meurent ; les combinaisons sociales sont instables ; à différentes époques les groupes humains ont des forces différentes de cohésion ; des affinités nouvelles apparaissent et se propagent : voilà de quoi écrire un traité de mécanique sociale, si l’on ne tient pas rigoureusement à conformer sa philosophie à la réalité des catastrophes inattendues. Car il faut bien laisser à l’inattendu une place qui est quelquefois le trône tout entier d’où l’ironie fulgure et rit. L’idée de décadence n’est donc que l’idée de mort naturelle. Les historiens n’en admettent pas d’autres ; pour expliquer que Byzance fut prise par les Turcs, on nous force d’écouter bruire les querelles théologiques et claquer dans le cirque le fouet des Bleus. On va de Longchamps à Sedan, sans doute, mais on va aussi d’Epsom à Waterloo. La longue décadence des empires