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même. Aucune définition n’en doit même être donnée ; cela ne pourrait se faire qu’en unissant l’idée d’art à des idées qui lui sont étrangères et qui tendraient à l’obscurcir et à la salir.

Antérieurement à cette dissociation, qui est récente et dont on connaît l’origine, l’idée d’art était liée à diverses idées qui lui sont normalement étrangères, l’idée de moralité, l’idée d’utilité, l’idée d’enseignement. L’art était l’image édifiante qu’on intercale dans les catéchismes de religion ou de philosophie ; ce fut la conception des deux derniers siècles. Nous nous étions affranchis de ce collier ; on voudrait nous le remettre au cou. L’idée d’art s’est de nouveau souillée à l’idée d’utilité ; l’art est appelé social par les prêcheurs modernes. Il est aussi appelé démocratique, épithètes bien choisies, si ce fut en vertu de leur signification négatrice de la fonction principale. Admettre l’art parce qu’il peut moraliser les individus ou les masses, c’est admettre les roses parce qu’on en tire un remède utile aux yeux ; c’est confondre deux séries de notions que l’exercice régulier de l’intelligence place sur des plans différents. Les arts plastiques ont un langage ; mais il n’est pas traduisible en mots et en phrases. L’oeuvre d’art tient des discours qui s’adressent au sens esthétique et à lui