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remonter le cours jusqu’à son port sous Dinan, lequel commnunique par le flux et reflux avec celui de Saint-Malo. Des bateaux à vapeur font un service régulier entre les deux villes distantes de vingt-sept kilomètres. Les bords de la Rance offrent des paysages variés, des bois, des collines, au sommet desquelles s’élèvent des villas, des roches escarpées, à pic, des prairies et des vallons. Le vieux Dinan montre un château-fort, devenu prison, ses vieilles murailles, jadis hautes et larges, sont aujourd’hui couvertes de jardins qu’entourent des boulevards.

Une nombreuse société, venant de l’Hostellerie de la Table Ronde, s’était réunie pour cette excursion, on avait emporté le déjeuner dans l’idée amusante de le manger sur l’herbe en la forêt de Coëtquen. Ensuite on visiterait le « Chenau », habitation où l’abbé de Lamennais s’était retiré avec des amis pour étudier, méditer, prier. Plus loin, sur la route de Saint-Brieuc, mais enfoncé dans les terres, se trouve le château de Loc-Luçon, berceau de la famille de ce nom. Vendu en 1918 et acheté par un industriel de Lamballe, il n’avait jamais été habité qu’en passant, l’acquéreur ayant été tué à la fin de la guerre. A présent, nul ne l’entretenait, il s’en allait en ruines, le parc devenait un lieu sauvage, mais pittoresque, rempli de chants d’oiseaux et de courses de lapins. Le gardien se plaisait à le faire visiter dans le but de récolter quelques gratifications. La bande joyeuse des touristes de Saint-Malo y arriva après le charmant déjeuner champêtre. Cette visite intéressait vivement Onda, il aurait voulu emmener avec lui son ami Tancrède pour ce pèlerinage à son lieu de naissance. Mais les fonctions de celui-ci l’en empêchaient et il dût y renoncer à son grand regret.

Le château, entouré de douves profondes, flanqué de tours rondes terminées par des créneaux, gardait à l’extérieur un aspect imposant, à l’intérieur, une vaste cour, entourée de bâtiments, offrait l’aspect gai de fleurs et de pelouses. A présent, les arbustes grandis donnaient encore des fleurs et les pelouses du foin, mais les branches jamais taillées, étaient devenues envahissantes, entrecroisées, elles formaient des berceaux et des fourrées délicieux. Les chèvrefeuilles, les jasmins, les glycines parfumaient l’air, des cerisiers sauvages aux tardifs petits fruits d’un rouge noir, nourrissaient une nuée de merles.

— C’est ravissant, dit Onda en s’élançant par la poterne suivi des compagnons de hasard fournis par le voisinage d’hôtel. Seule, en arrière, Mme Eléna Consouloudi, venait rêveuse. La jeunesse chantait, évoquant des échos, d’autres essayèrent d’ébranler la grosse cloche d’appel. Un son prolongé, vibra, jaillit soudain.

— Ah ! dit la vieille Dame en portant la main à son