Page:Gouraud d’Ablancourt - Un éclair dans la nuit.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

demain. C’était une longue nuit froide de printemps, mais un domestique, qui avait accompagné les deux amis, avait jeté sur la banquette, pliée dans une courroie, une bonne couverture chaude.

— Encore une attention de mon cher Onda, se dit Tancrède avec un soupir profond, quelle délicatesse dans le cœur de cet enfant pour lequel, moi, j’ai fait si peu.

Il s’enveloppa frileusement, on ne chauffait plus les trains, il était fatigué, la nuit précédente il n’avait pas dormi, il céda vite au sommeil, franchit la station du Mans sans y penser, mais à Rennes, le jour pointait, il était cinq heures du matin. Le train se divisait. On avait en gare quelques minutes d’arrêt. Tancrède visita le sac de cuir fauve sur lequel étaient gravées les initiales d’Onda. Il y trouva un terhmo empli de chocolat brûlant, des croissants, des œufs durs, des gâteaux, un flacon de vin d’Espagne.

— Tu as tout prévu, mon ami, murmura Tancrède, je te remercie. Puisse le ciel te donner la seule qualité qui te manque : être croyant !

Le paysage était monotone, des pommiers encore sans feuilles, des champs verts emplis de plans de tabac, des genêts en fleurs, des coucous jaunes, des campanules. La nature printanière en un mot. L’air vif de la mer commençait à se faire sentir en même temps qu’une brume glacée. Le soleil était à l’horizon comme une énorme boule rouge sans rayons. La vue d’un clocher, paru et disparu dans la vitesse, fit songer le jeune homme à sa prière. Il la récita à voix basse. Au collège, il l’oubliait souvent, mais depuis son séjour chez les libres-penseurs, une vague de ferveur gagnait son âme, ainsi qu’une réaction brûlante. Sa misère en face de ce luxe, le rendait plus fier, sa foi en restait plus ferme dans son cœur désolé. Il songeait au Christ divin, en ces jours de résurrection, il aspirait l’espérance !

Il prit ses paquets, sauta sur le quai de la gare avant l’arrêt complet, bien entendu, nul ne l’attendait, il n’avait pas voulu prévenir sa mère, il irait la trouver chez eux à la villa des Tamaris, bâtie sur le Sillon. Il laissa sa malle en consigne et partit à pied. Une bonne course le réchaufferait. Il reconnaissait les choses, la mer montait couverte de brouillard que perçait un peu la crête blanche des lames moutonnantes. Le vent de Norouâ balayait le sable qu’il jetait au visage des passants.

— Rude accueil ! se dit le breton.

Il hâta le pas, passa devant l’hôtel Franklin encore fermé à cette heure matinale. Toutes les villas étaient closes, il reconnut les Tamaris, bousculés par les souffles de mer. Sur le petit mur d’où s’élevait la grille, des affi¬