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— Oui, je vais mettre mon chapeau et je vous suis, descendez à l’embarcadère.

Le léger bateau blanc se balançait à peine sur l’eau dormante au bas de la pelouse où les cygnes ne se gênaient pas d’aborder. Onda sauta à bord, détacha les rames, s’assit sur le banc.

— Tu me remplaceras Tancrède quand je serai las, c’est très facile, tu verras.

Mme Consouloudi arrivait couverte d’un long manteau de drap blanc, d’un chapeau de feutre mou, également blanc, un domestique la suivait pour détacher la chaîne, Tancrède l’attendait afin de lui offrir la main. Elle monta lestement, en habituée, se plaça à l’arrière et prit les deux poignées qui par des cordes s’attachaient au gouvernail.

— Nage, dit-elle souriante. Voici la meilleure manière de voyager sans heurts, ni poussière.

Juste à ce moment l’hydroplane plongea tout près de la barque fragile, un remous la fit onduler.

— Bravo, dit le rameur, on sent au moins qu’on est sur l’eau. Je voudrais des vagues.

— Cet été, je compte aller aux bains de mer, dit l’aïeule, j’espère que tes parents viendront aussi. Tu pourras alors te contenter. Je suis de ton avis, moi aussi j’aime un peu de mouvement sur l’eau.

— Où pensez-vous aller Madame ? fit Tancrède, si vous choisissiez notre côte d’émeraude, je suis sûr qu’elle vous plairait.

— Je n’ai encore pris aucune décision, mais la Bretagne m’attire.

Des passants saluaient le groupe, la merveilleuse soirée peuplait le lac de navigateurs. Tancrède prit les rames à son tour, il était fort et comprit vite le mouvement de la cadence. Ils abordèrent à l’extrémité sur le chemin qui conduit à Saint-Gratien. Onda attacha le bateau et tous les trois s’en allèrent doucement entre les jardins.

— Nous avons le temps de nous promener, dit Mme Consouloudi, nous allons prendre l’avenue de Soisy où je poserai un petit paquet chez une amie, c’est un œuf de Pâques pour sa fillette. Nous longerons le parc, aujourd’hui morcelé, de l’ancienne résidence de la princesse Mathilde, la cousine de l’empereur Napoléon III.

— Tu l’as connue, grand’mère ?

— Non. Mais mon mari, pendant qu’il faisait ses études à Paris a été souvent reçu chez elle. Il lui avait été présenté par notre fondé de pouvoir, M. Pétia Politis. Il assista précisément ici à de merveilleuses fêtes.

— Ah ! je me souviens, continua Onda, grand-père racontait une anecdote très drôle à propos du chansonnier