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liberté absolue, le bateau vous attend. Savez-vous ramer Monsieur ?

— Non Madame, bien que ma mère habite la côte, je sais nager et pêcher, mais je pense être capable d’aider Onda, s’il veut naviguer.

— C’est un excellent exercice, notre lac est fort calme, aujourd’hui il y a un hydroplane qui fait des plongées et des envolées, il vous intéressera.

— Grand’mère tu viendras avec nous dans le bateau, je suis content que tu te fies à moi pour te promener.

— Oui j’irai, mon petit, je voudrais aller à Saint-Gratien, au bout du lac je te demanderai de m’y conduire.

— Tant mieux. Quand partons-nous ?

— Reposez-vous un moment, il suffit que j’y sois à quatre heures. Vous me restez ce soir ?

— Si tu veux de nous. Qu’en penses-tu Tancrède ?

— Ce qui te plaira, tu disposes de moi et toujours d’une si agréable manière.

— Je vous garde mes enfants. C’est demain Pâques... Monsieur de Luçon...

— Oh ! dites Tancrède, Madame, mon vieux nom de baptême est si peu commun, que nombre de gens le prennent pour un nom de famille.

— Il est charmant, il rappelle les héros des Croisades. Mais n’a pas je crois de Saint au Paradis.

— Grand’mère, ce sera lui ! fit Onda en riant. Grandmère tu n’as pas non plus un nom très répandu : Elena.

— C’est le nom de la sainte qui découvrit la vraie Croix. J’aime mon nom. Je veux aller à Saint-Gratien en l’honneur d’un beau salut. On chantera « Stabat Mater Dolorosa » et on en profite pour quêter au profit de l’œuvre des Orphelins. Cette œuvre m’intéresse tout particulièrement.

Un léger sourire ponctua ces mots. Tancrède étonné regardait la vieille dame. Son doux visage, ses yeux d’azur, ses paroles si peu en harmonie avec son entourage, il dit :

— Pourrons-nous vous accompagner ?

— Certainement.

— Je vais souvent avec grand’mère à l’église, avoua Onda, je te dirai même que j’aime infiniment les offices si jolis qu’on célèbre là. On éprouve une emprise profonde, c’est comme si quelque chose de mystérieux chantait en soi. Pour chaque fête il y a un rite qui correspond à une idée. Quand je vois grand’mère prier mentalement d’un si grand cœur que son attitude trahit, je me dis : Est-ce que la vérité serait là ? Mais à la maison je me tais, on se moquerait de moi. Si nous partions grand’mère ?