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cience, que tu n’influenceras pas notre fils, qu’il restera libre-penseur comme moi. Que jamais tu ne lui parleras de tes rêveries folles et dangereuses.

Eléna promit et tint parole, chose d’autant plus facile que Platon montrait peu d’aptitudes pour la dévotion. Il faisait de bonnes études, il se maria jeune avec une mondaine sans foi, leur fils et leur fille furent élevés dans les mêmes idées.

Cette explication relative à l’aïeule d’Onda était nécessaire avant d’aller plus loin. À présent elle vivait depuis son veuvage, la grande partie du temps à Enghien, ayant donné à la mort de son mari, l’hôtel de l’avenue Gabriel à son fils Platon. Son temps était partagé utilement, elle s’occupait de bonnes œuvres dont elle était l’aide providentielle, ses serviteurs étaient catholiques. Ceci ne l’empêchait pas d’aller souvent chez ses enfants, de les recevoir et de se mêler à la société mondaine si facilement cosmopolite, où la religion n’est pas une entrave pour les relations. La fortune étant plutôt l’enseigne sous laquelle on se réunit, c’est elle qui pose les gens par ce siècle vingtième, du moins dans le milieu du plaisir et de la politique… en attendant l’heure de grâce, dont on peut maintenant pressentir la venue, à l’avancement de l’horloge du temps.


IV

LE SALUT EN MUSIQUE


Alfred, le concierge de la villa des cygnes, ouvrit la grille et Onda faisant un habile virage conduisit son petit baquet rouge au ras du perron. Il s’élança aussitôt, suivi de son camarade, dans le hall, largement ouvert au bon soleil printanier.

L’aïeule venait au-devant de lui, les bras tendus, il la prit par le cou et l’embrassa tendrement.

— Grand’mère chérie, je t’amène mon meilleur ami : Tancrède de Luçon.

— Ah ! l’ami Tancrède dont tu parles toujours. Bonjour mon enfant.

— Je suis tellement touché, Madame, de l’accueil de toute la famille de mon cher Onda, mais je redoute d’être indiscret.

— Ne redoutez rien, il me plaît de connaître ceux qu’aime mon petit-fils. Elle avançait la main avec un bon sourire.

Tancrède s’inclina, effleura les doigts blancs de ses lèvres.

— Venez vous asseoir un moment, reprit-elle, ensuite