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m’avez sauvé la vie, vous m’avez traitée comme l’enfant de la maison, mais tu ignores d’où je venais, à quelle culte appartenaient les auteurs de mes jours.

— Il faut vraiment Eléna que tu aies l’esprit bien étrangement tourné, pour aller chercher dans des ruines un motif de soucis. Qu’est-ce que cela peut te faire ? Tu es heureuse, tu as un beau bébé, une belle fortune qui te permet d’accomplir toutes tes fantaisies et tu vas te perdre dans un chemin effacé, nivelé par une tempête.

— Je ne peux pas m’en empêcher Aristide, que t’importe, je ne t’en aimerai pas moins si je sais qui je suis, tout le bien que toi et les tiens m’ont fait ne sera pas annulé si j’appartiens à une race de croyants. Cela ne changera rien à notre amour.

— Il en serait troublé tu le comprends, je ne transigerai jamais avec mes principes, je veux que mon fils reste, vive et meure dans la libre-pensée, la seule croyance d’un homme raisonnable.

— Ton fils, peut-être, mais moi ?

— Ma parole tu cherches le serpent sous les roses ma pauvre enfant.

— Aide-moi Aristide a me débrouiller dans mon histoire, après je serai, et même toi, plus tranquille.

— Il est impossible d’en savoir plus. Je ne t’ai pas dit toutes les démarches faites par mon père dans le but de retrouver ta famille. Non seulement il a fouillé le pays, relevé ce qu’il a pu des noms des victimes. Oh ! il en a conservé la liste. Il a cherché les ascendants et descendants des malheureux massacrés, il a même rattaché des liens avec des Grecs, aucun n’avait fait connaissance d’un bébé de ton âge. Il a été jusqu’à Athènes, il s’est informé auprès des divers ministères... Il a questionné l’administration des Affaires Etrangères et partout il a perdu son temps. Alors il s’est résigné à te nommer sa fille et de fait tu l’es devenue par notre mariage. Que veux-tu de plus ?

— Savoir pourquoi j’ai des réminiscences.

— Tu as des réminiscences de lectures, de descriptions. Laisse, je t’en prie cette folie deserter ta pensée.

A partir de ce jour, Eléna ne parla plus à son mari de ce sujet litigieux, mais elle se convainquit intuitivement et en vint à ne plus douter de son atavisme chrétien. Elle pria en secret, assista aux offices catholiques assez souvent sans cependant en suivre les obligations, elle vivait comme en marge des rites, n’osant affirmer ses tendances à cause de son mari. Celui-ci lui avait dit sérieusement : Je ne veux pas te contrarier ma chère femme, tu crois une chose absurde, tu t’égares dans une chimère, tu es femme, fais ce que tu voudras, mais jure-moi en ta cons-