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— Le banquier ?

— Oui.

— Eh bien Madame, rentrez chez vous.

— Oui, Monsieur, excusez-moi, je viens d’être si émue, vous ne pouvez pas savoir...

— Non. Mais je prie le bon Dieu de vous soulager.

— Oh ! oui, priez-le, moi aussi je le prie...

Il se levait pour mettre un terme à cette scène singulière, il la saluait et la regardait descendre le petit escalier de bois qui accède au côté gauche de la place.

Maintenant Eléna marchait vite, elle suivait le faubourg Saint-Honoré, une grande agitation intérieure secouait sa conscience. Elle s’embrouillait l’esprit en cet étrange dilemne :

— Serais-je déjà venue en France ? Non, sûrement depuis que je sais penser. Alors pourquoi ces bribes de souvenir, ces visions confuses ? Je suis attirée vers cette église, moi ! dont la famille nie la religion. On m’a appris que la raison seule devait guider les âmes. J’ai lu dans les livres de philosophie l’inutilité d’un culte, alors que je suis stupide de m’agenouiller devant la Croix, de tendre vers elle mes mains suppliantes, mon cœur troublé. Oh ! il faut que je sache, que je m’éclaire, je reviendrai là, je parlerai à cet abbé compatissant. Je suis une errante...

Elle allait passer devant la porte haute de sa demeure tant elle était absorbée en elle-même, mais un bras se glissa sous le sien doucement, une voix affectueuse dit :

— A quoi penses-tu Chérie ? Tu marches la tête basse et tu ne t’arrêtes pas chez nous.

— C’est vrai, j’étais ailleurs. Oh ! Aristide, je vais te demander des choses qui m’obsèdent, me font souffrir. Aide-moi.

— Sans doute. C’est mon métier de mari : t’aider, t’aimer, t’empêcher de souffrir, ma petite Eléna aimée. D’abord nous allons dîner, après je te mène à l’Opéra, c’est notre jour d’abonnement, la musique est délicieusement calmante : c’est une panacée pour les nerveux, et il me semble que tu l’es bien depuis que nous habitons Paris, ma chère mignonne.

Ils étaient entrés chez eux. En montant les marches du perron, elle leva ses yeux d’azur, son regard rencontra celui du père de son fils, tellement empli de tendresse, qu’elle se trouva rassérénée, confiante, le bonheur était là, au foyer.

Le petit Platon étalé sur un tapis épais, essayait d’accourir à ses parents à l’aide de ses quatre... pattes, comme il pouvait. Sa mère l’enleva dans ses bras :

— Mon trésor, ma joie, mon enfant !

La soirée fut trop occupée pour qu’Eléna put causer