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clairs, francs, au sourire cordial. Son fils ne lui ressemblait en rien physiquement. Sa fille rappelait ses traits en plus gracieux. Mme Consouloudi, était une fort belle personne, aux traits réguliers, au pur type grec. Onda n’avait non plus rien de sa mère. Il devait venir d’un atavisme lointain qui l’assimilait à la race française.

Beaucoup de passants encombraient les boulevards, les deux collégiens s’amusaient à regarder les devantures des magasins, les affiches des cinémas. Tancrède se laissait aller au courant. Par moments, quand il pensait à sa situation, un petit choc au cœur, assombrissait son front, puis une réflexion de son ami, une vue de choses nouvelles l’emportait hors de lui-même. Ils finirent pas s’asseoir à la terrasse d’un café devant lequel s’écoulait le flot continu des passants. C’était la vie intense, agitée, tumultueuse.

— Quelle journée ! dit Tancrède, il me semble que ce matin est très loin, qu’il s’est accompli des jours depuis que le Proviseur m’a dit de... m’en aller. Remarque combien d’actes variés se sont accomplis pour moi : ma vente à l’enchère, mon départ, l’arrivée chez toi. Je traverse une grande réception, je vois l’aspect d’une banque, je connais ton excellent père, nous circulons libres dans Paris, nous dînons au restaurant, nous allons au théâtre et je rentre dormir dans une superbe maison... Voilà un jour mouvementé, avoue-le. Demain...

— Héé bien demain, nous ferons des choses plus amusantes.

— Demain... je devrai partir.

— Attends seulement un jour que je te mène chez grand’mère à Enghien. C’est à elle que moi je ressemble et on s’aime nous deux ! Ah ! tellement. Je veux que tu entres tout à fait dans ma vie, que tu voies tous les miens. On juge si faussement les Grecs, on nous accuse d’être tricheurs, menteurs ; toi au moins, tu verras.

— J’ai vu et je t’assure bien que je n’ai aucun parti-pris. Dans chaque nation, il y a de la bonté et du cœur. Les différentes races sont œuvres humaines, Dieu a créé pareils les hommes.

— J’ai souvent souffert de la méchanceté des autres. On m’appelait « Poulo ». Il n’y a que la richesse qui nous pose dans la Société. Rappelle-toi un jour qu’on jouait une pièce au collège, on m’avait donné un rôle de fille. Le méchant Louis d’Erlon m’attachait un peplum et il appelait les autres pour me regarder :

— Voyez la belle Sapho ! Allons parade, récite des vers, salue, sourit. Ce que tu as l’air emprunté, nigaud !

— En effet, je l’étais terriblement ! Tu es venu, tu m’as ôté le ridicule costume, tu as envoyé d’une bourrade le