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Emmenez-le, distrayez-le. Ce matin il était désemparé. Au revoir, Onda, bonnes vacances.

Une cordiale poignée de main souligna le congé et, gambadant comme un enfant heureux, le fils du richissime financier grec, courut voir à la grille du collège, si l’auto envoyée par son père était arrivée. Une superbe limousine stoppait justement devant l’entrée. Le mécanicien leva sa casquette :

— À votre service, Monsieur Onda.

— J’accours, Francis, j’emmène un ami, nous allons mettre une malle près de vous. Maman et ma sœur ne sont pas venues me chercher…

— Non, Madame reçoit et Mademoiselle l’aide, elles vous attendent.

— Je me dépêche.

Le chauffeur et son jeune maître avaient échangé un amical sourire. Francis, depuis vingt ans dans la maison, avait vu naître Onda, sa femme était cuisinière, leur fille était lingère et leur fils groom. L’intérieur des Consouloudi était patriarcal comme chez beaucoup de vieilles familles étrangères riches.

Tancrède attendait son ami. Très grave, il franchit la porte du Lycée quand il fut dans la rue, il se retourna une dernière fois et levant sa casquette, il salua la maison où une tranche heureuse de sa vie avait passé.


II

LA VIE CHEZ LES RICHES


On entrait à l’hôtel des Consouloudi par le faubourg Saint-Honoré, une cour sablée donnait accès à un long perron sur lequel s’ouvraient les hautes portes du Hall. Les garages et écuries se faisaient vis-à-vis sur cette cour. La principale façade s’étalait sur le jardin, lequel se prolongeait jusqu’à l’avenue Gabriel, où une grille le fermait. C’était un lieu de délices, des beaux arbres, des pelouses, des massifs fleuris, des oiseaux chanteurs, des chaises et des bancs rustiques, bref une attraction exquise de confort, de gaîté, d’étendue avec les Champs-Élysées en bordure. Les deux collégiens jaillirent lestement de l’auto, en deux bonds, ils franchirent les marches de granit que surmontaient de grands palmiers. Un valet de pied, en livrée marron, leur tenait la porte ouverte. Onda le salua d’un sourire et, entraînant son ami, fit irruption dans le premier salon. Sa mère y trônait, entourée de dames assises, tandis que d’autres groupes debout, isolés dans les coins et les autres salons, circulaient ou se reposaient avec la