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IÆ SECRET DU FORÇAT 7

La Parisienne sourît :

— C’est ïa fille de ma sœur, rien d’étonnant, l’air de famille. Moi qui n’ai jamais eu le bonheur d’avoir un enfant, j’aime cette petite comme mienne, je l’amène ici pour la distraire, elle vient d’éprouver une grosse déception.,.

Un soupir ponctua la phrase :

-— Vous devez connaître, Madame Marinent, par expérience, Iss cœurs dé jeunes fi H es...

— Les miennes sont des travailleuses, leur cœur est à leur ouvrage.

— En êtes-vous si sûre que cela ? sourit la voyageuse en pénétrant dans l’ascenseur qui l’enleva, tandis que la maîtresse d’hôtel retournait vers d’autres clients qu’une barque venait de déposer devant la maison. La propriétaire de la villa des Alliés était une amie pour la plupart de ses clients. D’une bonne race bourgeoise, elle et son mari, se voyant à la tète d’une nombreuse lignée, s’étaient dit courageusement :

— Notre modeste fortune est insuffisante pour doter nos enfants et même pour vivre dans l’aisance si le travail n’apporte pas un appoint à nos rentes. Or, qu’entreprendre ? Ni l’un ni l’autre n’avons d’état ni de terres à faire valoir. Notre petite maison de Vichy nous loge difficilement à présent que la famille grandit.

— Si nous entreprenions un commerce, proposa te père, ici tout le monda yîl des étrangers.

—• J’y pensais ; seulement, mon â®oi, lequel ? Pour les modes, la coulure, les ouvrages de dames, je suis assez peu capable et toi encore moins.

— Nous pourrions vendre notre logis, acheter un fonds de confiserie, on gagne beaucoup avec les fruits confits et les sucres d’orge. —. Je ne me vois guère filant du sucre... Ecoute, Nectaire, je vais aller à Saint-Biaise, je mettrai un cierge à la Vierge miraculeuse, je demanderai une messe à notre bon curé et nous prendrons demain une décision. Le lendemain, à l’issue du saint office, Nectaire Marmont alla trouver le digne prêtre, son ami, et lui exposa son projet. ■—• Votre idée est excellente, approuva l’abbé Robert ; hier, j’ai justement, avec nos prédicateurs de Lyon, parlé d’une chose que je vais vous soumettre. Il y a ici quantité de villas meublées, d’hôtels variés, pas un propriétaire qui ne loue quelques mètres de son logis pour abriter les baigneurs, mais il n’existe pas la maison recherchée de quelques voyageurs. La maison tenant le milieu entre le palace mondain, le couvent, l’hôtel de modeste aspect. Une villa qui serait située au milieu d’un air excellent, car ici tes agglomérations par les chaleurs sont malsaines...

— Mais il y a peu de terrains disponibles à proximité des établissements.

— Si. On pourrait obtenir l’autorisation de bâtir juste sur l’Allier presque en face des terrains du golf ? Une avenue traverserait le boulevard des Etats-Unis, les nouveaux parcs en prolongement de la rue Prunelle et aboutirait à la dite villa, qui serait de grandeur moyenne et compterait —■ attirance suprême — une chapelle.

—- Ah î comme cela me plairait.

Je crois bien. A cet emplacement, loin des deux paroisses, un petit sanctuaire serait grandement apprécié. Quant aux desservants, vous n’en manqueriez pas, Vichy est visité par nombre d’ecclésiastiques. Dans mon église, en saison, j ai plus de trente messes chaque matin.

— Monsieur le Curé, vous m’ouvrez un horizon captivant, je vais tout de suite me mettre à l’œuvre, je suis sûr que ma femme sera ravie et se hncera, à toutes voiles, dans cette voie de salut.