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LE SECRET DU FORÇAT

Le père et la mère gouvernent l’ensemble, le premier spécialement pour les provisions. L’aînée des sœurs, Marie-Luce, tient la caisse et les livres. Marie-Charlotte, la plus jolie des six, est préposée aux relations directes avec les clients ; aimable, patiente, spirituelle, pleine de tact, elle est douée pour ce poste difficile. Marie-Noëlle et Marie-Raoule s’adonnent à la lingerie. Marie-Paule fait la correspondance en anglais, italien et français. Enfin, la plus jeune, Marie-Christine, remplit les fonctions de sacris” tine, car l’hôtel possède une chapelle bien, nécessaire à cause de l’éloignement des deux paroisses, Saint-Louis et Saint-Biaise. La fillette est fière de pouvoir entretenir les fleurs de l’autel et de répondre la messe ■— hors la balustrade, selon la loi canonique — que célèbre chaque malin l’abbé Heurteloup, frère de sa mère et professeur à l’Université catholique d’Angers. ,

Pour être admis comme hôte à la villa des Alliés, il faut être présente par d’anciens clients ou par des relations des propriétaires. Ce n’est pas un hôtel où descend qui paye. Le nom des voyageurs est inscrit sur un tableau dans le hall, au-dessus du casier aux correspondances, et outre le livre de police obligatoire, le passant signe un registre spécial, archive de la maison.

Ceci expliqué, assistons à la descente de l’auto qui arrive de la gare, par l’avenue plantée de palmiers rustiques, qui continue la rue de l’établi^ sèment et traverse le nouveau parc peur aboutir à la villa des Alliés, située entre la passerelle du fleuve et l’embarcadère du golf. Mme Marmont, Charlotte et quelques valets attendent en haut du perron pour recevoir les voyageurs qu’amène la voiture. . Parmi ceux-ci se trouve la comtesse de Sauvigny, habituée de plusieurs années, suivie d’une jeune fille chargée de deux sacs de voyage.

— Bonjour, chère Madame Marmont, dit-elle la main tendue. Ab 5 quelle chaleur dans ces wagons I Qu’il est donc bon d’arriver chez vous. J’ai mon appariement habituel ?

— Bien entendu, Madame. Au reçu de votre dépêche, ma fille l’a disposé scion vos goûts.

— Toujours complaisante et gentille, la jeune Charlotte. Bonjour, mon enfant.

Charlotte fait une révérence et serre les doigts de la vieille dame. Le régisseur de l’étage s’avance :

— La femme de chambre de Madame la comtesse logera au quatrième, exactement au-dessus d’elle, la sonnette électrique relie les deux pièces.

— Ma femme de chambre est de reste à Paris, c’est ma nièce, Mlle Yolande des Tournelles, qui m’accompagne. J’aimerais à l’avoir près de moi. C’est possible, Madame Marmont ?

— C’est assez compliqué ; parce que nous sommes au complet, niais si Mademoiselle veut bien accepter pour deux ou trois jours un lit dans le cabinet de toilette de Madame, nous aurons ensuite une vacance.

— Tu veux bien, ma petite Yo ?

— Sans doute, ma tante, je serai ainsi plus près de vous, et si je ne vous gène pas je puis rester là pendant notre séjour. Mme de Sauvigny échangea un sourire avec la maîtresse d’hôtel et comme Yolande accompagnait les bagages portés par un domestique, eîlo raconta, avec la familiarité d’une ancienne connaissance :

— Un bijou, ma nièce, pas de fortune, mais un cœur, un esprit, uni charme qui valent des trésors !

— Sans compter, ajouta Mme Marmont, un délicieux visage. Elle refis ressemble, Madame.