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en riant ; j’aimerais pourtant à les voir barboter d’où je viens ; la bonne douche, mère, je n’ai jamais été si bien !

Les animaux semblaient du même avis, ils tiraient à plein collier, devinantnant le repos proche en haut de cette rude côte au sommet de laquelle se dressait le village. Il était environ 20 heures lorsqu’ils arrivèrent ; toutes les portes étaient closes, mais plusieurs lumières se montraient aux fenêtres. Une enseigne de tôle se balançait au vent. Sûrement, elle indiquait une auberge. René frappa contre la porte qui s’ouvrit aussitôt.

L’intérieur était agréable à voir. Un poêle répandait une bonne chaleur, on voyait deux longues tables, dont l’une portait un couvert, dressé pour le repas du soir, des bancs, des chaises, et une accorte Flamande en tablier blanc, évoluant affairée autour du fourneau. Assis près du feu, un couple de voyageurs.

— Entrez, dit l’hôtesse, soyez les bienvenus dedans.

Mme de Valradour mit pied à terre de son singulier équipage, et ne se fit pas répéter l’invitation.

— Où puis-je mettre mes chiens ? demanda René, il y a une remise ?

— Dans la cour, tournez a droite. Albreth, prends la lanterne et va conduire monsieur.

Un garçon d’une douzaine d’années accourut du fond de la cuisine.

— Tu peux venir avec, Monsieur, il y a pour tes chiens ici, dit-il à René.

— Bon petit Flamand, répondit René, il faut aussi leur donner un# grosse soupe, tu sais.

— Sois tranquille, Monsieur, j’ai.

— Tu as la soupe ?

— Oui, joeporte avec.

— Bien.

Il y avait une litière de paille, les chiens s’y roulèrent immédiatement, à l’exception de Mousson toujours fâché contre son maître ; il avait suivi Mme de Valradour à l’auberge.

Quand René rejoignit sa mère, il la trouva installée près du poêle, une brique chaude sous les pieds.

L’enfant éprouvait une grande joie à se reposer, à se détendre ; il avait accompli un joli raid.

— J’ai demandé deux chambres, lui expliqua-t-elle, et à souper.

Le couple de voyageurs, silencieux, observait les nouveaux venus. C’était un ménage. Lui pouvait avoir une quarantaine d’années, elle un peu plus jeune, ils avaient le type très français, et les quelques mots qu’ils échangeaient entre eux prouvèrent qu’ils parlaient cette langue à merveille.

Malgré lui, René les regardait avec une sympathie visible, il songeait :

— Ce sont des compatriotes.

L’étranger lui rendit son regard avec non moins d’aménité, et comme l'hôtesse leur offrait à tous de s’asseoir à table pour dîner, ils s’y placèrent les uns à côté des autres. La conversation s’engagea vite entre des voyageurs qu’une difficulté commune réunissait. Ils osèrent avouer leur but ; la frontière de Hollande.

— Vous êtes Français, Monsieur, demanda René en souriant, votre langage vous dénonce... Je suis si heureux de me trouver près d’un compatriote.

— Tu es Belge, mon chéri, lui souffla sa mère.

— Oh ! mère, Franco-Belge et même Italien par toi, mais de tout cela on peut faire, à cette heure, un ennemi des Boches.

— « Taisez-vous, méfiez-vous », vint dire à demi-voix l’hôtesse. Ici