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XXVI

EN FUITE


L’auto roulait grande allure sur la route plate, orientée vers la frontière hollandaise. Le petit conducteur avait étudié sa carte, une belle carte d’état major trouvée dans la poche de l’auto. Il en suivait les indications détaillées, reconnaissant chaque côte, chaque village, chaque ferme : seulement noua donnerons à toutes des noms d’emprunt, dans la crainte de nuire à ceux dont l’hospitalité fut offerte aux voyageurs fugitifs.

René aspirait à pjeins poumons l’air froid, il éprouvait une indicible joie à mener ainsi sa mère bicn-aimée, à triompher de la série des obstacles qui allaient s’aplanissant à mesure que la distance augmentait au delà de Valradour.

Il redoutait bien le coup de téléphone, car il avait vu installer les appareils dans le hall du château, mais saurait-on la direction ?… Saurait-on sa fuite si nul n’avait besoin de la voiture ? L’auto possédait un excellent moteur, en moins de deux jours on serait en vue de la frontière. Là, on se débrouillerait…

Partis à midi et demi, nos fugitifs n’éprouvèrent aucun accroc jusqu’à la chute du jour. Le drapeau déployé à l’avant de l’auto aux couleurs allemandes était un passe-partout. À l’entrée de Lovenden, sur le coup de 5 heures, on dut s’arrêter. René ne voyait plus assez pour conduire sans phare. Il stoppa devant une auberge et demanda à garer sa machine dans une remise, ce qui lui fut tout de suite accordé, moyennant le payement de quelques marks. L’expérience lui avait enseigné la prudence ; aussi eut-il soin de faire descendre sa mère sur la route, et de marcher avec elle beaucoup plus loin dans la ville, afin de n’être pas remarqués avec leur splendide automobile. Ils avisèrent un hôtel d’aspect fort propre et, leurs valises en mains, ils y demandèrent deux chambres se communiquant.

Comme il n’y avait aucun autre voyageur à l’hôtel de Flandre, on les accueillit avec empressement ; par ces tristes temps, on circule peu, aussi eurent-ils le choix pour se loger à leur goût. Bien entendu, René avait laissé dans l’auto sa casquette et sa fourrure de chauffeur ; il se présentait couvert d’un bonnet de police belge et de son inévitable et modeste costume de velours. La mère et le fils avaient convenu d’écrire sur le livre de police le nom de Vandenbeck, venant de Zaventhem., petite ville des environs.

Le patron de l’hôtel, grave, triste, parlait le moins possible, redoutant une parole compromettante. Il servit le dîner de ses hôtes sans un mot. Le repas court et frugal, contrairement aux usages de Belgique, fut vite expédié et les voyageurs, fatigués, purent prendre un repos dont l’ex-recluse avait le plus grand besoin. Quant au petit conducteur, ses nerfs étaient au bout de leur effort. Il dormit d’un trait, sa mère pensa longtemps, pria beaucoup et finalement ne s’endormit qu’au jour.

Un grognement de Mousson fit ouvrir les yeux de son jeune maître, qui sursauta en entendant un grand bruit de voix… Est-ce nous qu’on cherche ? s’inquiéta-t-il.

Précisément, on frappait à sa porte qui précédait dans le couloir celle de la chambre occupée par sa mère. Il bondit, passa vite un vêtement, ouvrit :

L’hôtelier, accompagné d’un policier, était sur le seuil. René, éclairé en plein par la lumière électrique, avec sa chemise bouffante au col déboutonné,