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— Ils vont nous tuer, gémissait Albert, ils vont couper les mains au fiské !

Il n’eut guère le temps de commenter sa frayeur, la troupe entrait dans la cour d’honneur, l’officier qui marchait en avant mit pied à terre au perron. René l’aperçut par la fenêtre :

— Oh ! c’est encore Werner ! Il me poursuit, le bandit ! Mère et vous, Albert, pas un mot de moi, surtout. Je n’existe pas.

Tout en parlant, l’enfant jetait un regard autour de la pièce. Elle avait juste deux portes, l’une donnant sur le vestibule ; l’autre, vitrée, ouvrant sur le perron. Il ne pouvait donc fuir par aucune ; alors, résolument, il se jeta sous la chaise longue de sa mère, dont les franges retombèrent sur lui.

Il était temps, la porte du hall s’ouvrait brusquement. Zabeth montra sa tête effarée, tandis que l’officier, botté, éperonné, cravache en main, passait devant elle. Mousson, surpris d’une telle intrusion, avait bondi en aboyant à pleine gorge, au grand déplaisir de René, tapi à plat ventre, le nez contre le parquet. Werner envoya un coup de pied à l’animal, qu’il crut reconnaître, si bien que sa première parole adressée à Mme de Valradour, qui n’avait ni bougé ni pâli — l’aurait-elle pu ? — fut :

— Qu’est-ce que c’est, que cette bête ?

— Un chien, répondit-elle fort paisible.

— D’où sort-il ?

— D’une famille de chiens, probablement.

— Qu’est-ce qu’il fait ici ?

— Son métier de chien, il garde.

— Il y a longtemps que vous l’avez ?

Maria-Pia sourit un peu :

— C’est pour lui que vous venez ?

— Je viens pour ce qui me plaît. Je vous prie de répondre à mes questions, je suis l’envoyé de l’empereur, je me nomme Konrad von VVerner, gentilhomme de Brandebourg.

— Je ne l’aurais pas deviné. Vous, gentilhomme !

— Vous êtes insolente.

— Observatrice simplement.

— Je viens réquisitionner votre château. Vous aurez l’honneur d’y recevoir votre souverain.

— Le roi d’Italie ?

Il haussa les épaules :

— Le conquérant, celui qui gouverne la Belgique, Madame, notre grand Empereur !

— Ah ! le roi de Belgique s’est fait empereur ! Je ne savais pas, il est vrai que je retarde… depuis douze ans, je n’ai vu personne, ni lu un journal.

— Ça se voit. Apprenez donc que votre pays est allemand, qu’il est régi par nos lois, notre kulture germanique.

— Ah ! est-ce que le climat s’y prête ? Mon mari disait que la culture, chez nous, ne favorisait guère que les bois, un peu de houblon, les pommes de terre.

L’Allemand éclata d’un rire bruyant :

— Seriez-vous toquée… bizarre, Madame, avec votre air de fantôme ? D’où sortez-vous ?

— De la cave.

— Bravo ! Et elle est bien montée, j’espère, la cave ! Je vais la visiter,