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Le bruit d’un cheval qui s’ébroue lui prouva être au bon endroit. Il essaya de pénétrer sous le couvert, mais une silhouette s’interposa :

— Qui vive !

— France ! Soldat, écoute-moi, où est ton capitaine ?

— De quoi ? on dirait un gosse. On n’entre pas, petit.

— On entre quand c’est pour une communication importante.

— Sais-tu le mot d’ordre ?

— Bayard !

Le soldat surpris riposta :

— C’était le mot d’avant minuit… Enfin, d’où viens-tu ?

— De Vaubuin.

— Suis-moi…

Ils allaient dans une obscurité profonde, glissant sur les aiguilles de pins. René butta dans une chose molle sur laquelle il tomba tout de son long. La chose se secoua en grognant.

— Ah ! excusez, je cherche le capitaine.

— C’est moi. D’où sort cette voix d’enfant ?

L’officier avait pris René par le bras.

— Que me veux-tu ? es-tu égaré, perdu ?

— Non, écoutez, mon capitaine, ou c’est vous qui le serez.. perdu.

— Tu es un messager, de qui ?

— De la Providence.

— Avant de parler — je ne vous vois pas — il me faudrait une preuve que je suis au milieu des Français, mes frères.

Le capitaine tira son briquet de sa poche, fit une minute jaillir la flamme et l’homme et l’enfant purent se voir. Réciproquement, l’impression fut satisfaisante.

— Voilà, dit René rassuré, j’ai surpris un espion boche qui téléphonait d’une cave de Vaubuin.

— Oh ! Oh ! raconte bien exactement, petit.

René fit scrupuleusement le récit de l’aventure de la cave. Il expliqua la manière, dont lui aussi avait usé du téléphone, et finalement il mit dans la main de l’officier la fusée rouge.

— Voilà, capitaine, quand vous serez prêt à les recevoir, envoyez un homme sur la route lancer la fusée rouge, c’est le signal. Ils arriveront alors sans défiance et… boum…boum… de toutes vos pièces. Il n’en restera pas un.

— Ton nom ? dit le capitaine après avoir réfléchi à l’étrangeté et à l’importance du message.

— René Ravenel.

— Le fils du brave Raoul Ravenel !

— Oui. Oh ! vous connaissez papa ?

— Nous avons fait l’école de guerre ensemble. Si tu es le fils de mon ami, tu ne peux me tromper, donne-moi une preuve à ton tour de ton identité. Dis-moi le numéro d’inscription de Ravenel à l’École de guerre ?

— 22, répondit sans hésiter l’enfant.

Son second nom de baptême ?

— Roger.

— Et encore son numéro à Saint-Cyr ?

— 412.

Le capitaine ouvrit les bras :

— Brave enfant, tu as raison, c’est la Providence qui t’a conduit ici. Nous allons nous mettre sur la défensive dans le plus grand silence, ils vont accourir croyant le bois inoccupé. Nous nous démasquerons quand ils seront à bout portant.