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presque heureux de voir devant lui une nouvelle existence où il pourrait utiliser ses forces pour la religion, pour la patrie ! De son côté, sa sœur songeait aux préparatifs de départ. Cette obligation secouait sa douleur, l’obligeant à ne pas s’absorber en elle-même ; elle fit coucher son fils et appela Juliette :

— Je pars pour je ne sais combien de temps, je compte sur vous comme d’habitude, ma bonne Juliette. Vous fermerez la maison, vous porterez au collège la lettre que je vais écrire et l’argent que je dois, puis vous réglerez toute chose, même le loyer d’avance. Vous direz à la concierge, d’envoyer mes correspondances chez ma mère en Anjou et vous y partirez vous aussi pour attendre mon retour.

— Madame va chercher à retrouver Monsieur ?

— Si je puis... voilà une bourse où est l’argent nécessaire à toutes vos commissions, vous y trouverez aussi vos gages.

— Oh ! que ceci n’inquiète pas Madame, j’ai quelques économies.

Marthe eut un faible sourire :

— Oui, je connais votre attachement qui me fait du bien. Voulez-vous arranger dans la valise de mon fils un peu de linge, lui atteindre ses vêtements les plus chauds. Nous partirons d’ici avant 7 heures demain matin.

— Oh ! si vite !

— Il le faut.

La servante entra à pas de loup dans la chambre de l’enfant qui, malgré ses préoccupations, dormait déjà, épuisé d’émotions. Elle rangea tout de son mieux, mit la montre de René dans le gilet qu’il devrait prendre ; elle plaça son couteau dans la poche de son pantalon, son mouchoir dans celle de sa veste, elle chercha ses gros gants de laine, trouva dans un tiroir la petite bourse de l’écolier. Elle l’ouvrit, les cinquante centimes de sa semaine étaient intacts. Juliette soupira :

— Le pauv’ gosse, il les gardait pour le cierge qu’il met chaque vendredi au Sacré Cœur pour son cher papa.

Juliette ne put retenir ses larmes, elle glissa le flasque porte-monnaie à côté des mouchoirs, elle aperçut le chapelet en lapis-lazuli apporté de Lourdes par l’abbé Pierre et elle le mit avec l’argent.

Ceci accompli, elle vint retrouver sa maîtresse qui écrivait rapidement !

— Je monte dans ma chambre, Madame.

— Allez, bonsoir ; voulez-vous descendre un peu plus tôt, demain.

— Pour sûr, je ferai le café pour 6 heures. Si Madame pouvait seulement dormir !

Elle referma la porte, regarda sa cuisine luisante et propre, tourna le bouton électrique et, avec un gros soupir, sortit par l’escalier de service.

— Ah ! ces Boches de malheur, comme ils bouleversent tout ! dit-elle à la concierge qui éteignait le gaz, voilà qu’on se défile demain, nous, chacun de son côté ; savoir quand qu’on se reverra, ma chère dame !


CHAPITRE VIII

VERS LA FRONTIERE

Le 24 novembre, Mme Ravenel et son fils durent rester à Nancy. L’abbé Pierre couchait à la caserne, eux à l’hôtel du Grand Tigre. Il leur avait été impossible d’aller plus loin. Le voyage depuis Paris s’était accompli facilement, à peine un arrêt à Toul, le train était rempli de troupes ; malgré leur souci absorbant, le prêtre avait tenu à donner à son neveu quelques (à partir d'ici,les pages 26 et 27 manquent) détails historiques : la montagne Sainte-Geneviève, Saint-Nicolas-du-Port, le palais des ducs de Lorraine dont les ruines, situées dans le ville vieille, parlent encore de Jeanne d'Arc, de René d'Anjou, des Vandémont, des Dasbourg, de Stanislas de Pologne, etc.

Le prêtre, dès le lendemain matin, arriva chez sa soeur ; il était en uniforme, ce qui lui valut un accueil enthousiaste de son neveu. Le fait est qu'il avait fière mine vêtu de bleu horizon : grand, mince, souple, il semblait fait pour porter les armes. Mais il ne pouvait s'attarder, devant la possibilité de venir ainsi à la bonté du capitaine de sa compagnier en lequel il avait retrouvé un ami de Paris. Cet officier lui avait donné d'excellents conseils au sujet du voyage à la frontière, et l'abbé acourait les transmettre à sa soeur. En conséquence, chacun se rapprocha pour s'entendre. (...encore 1 page et demie)