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que tu devras accomplir à ma place est plus difficile que la guerre, mais il est si manifestement envoyé à nous par la Providence que tu ne peux manquer d’en avoir une protection spéciale.

Marthe, brisée de fatigue, s’était assise sur une chaise ; machinalement elle avançait ses mains froides vers la salamandre. Le prêtre vint se placer près d’elle, et attirant son neveu devant lui, en picine lumière, il le contempla attentivement. Plusieurs fois, il ouvrit les lèvres pour parler, puis il renferma les paroles qui allaient jaillir. Que pouvait-il avouer ? A quelle limite commençait le secret ?

René, surpris, osa :

— Oncle Pierre, parlez, je suis fort, je saurai tout entendre, tout exécuter. Est-ce d’aller chercher papa qu’il s’agit ?

— Je le voudrais tant, approuva Marthe.

— Non, pensait le prêtre, ce n’est pas ton père qu’il faut aller chercher, mais ta vraie mère...

Il dit tout haut :

— Il n’y faut pas songer. Mort ?... il est au ciel, donc, ne le cherchons pas sur la terre. Prisonnier, il est hors de notre portée, nous ne pouvons rien tenter. Attendre, et peut-être la guerre finie, pourrons-nous retrouver de lui quelque chose... Ce qui me préoccupe est autre, le sauvetage d’une vivante.

Stupéfaits, la mère et le fils fixèrent l’abbé qui parlait, hésitant, presque bas.

— Il y a dans les Ardennes, au bord de la Semois...

Marthe tressaillit à ces mots, elle saisit le bras de René comme pour le retenir, le garder à elle, car un pressentissement venait de sourdre en son cœur ; son frère la calma du geste :

— Ne t’effare pas. Si je le pouvais, nul autre que moi n’irait... là-bas. Mais, tu le sais, j’ai ma feuille de route, et demain je dois être au dépôt de mon régiment, à Nancy. Mais laisse-moi m’expliquer : Il y a, à mi-côte d’une colline, un château moyenâgeux qui s’appelle Valradour.

— Je me souviens, je l’ai aperçu quand nous étions à Givet, il n’est pas très loin du domaine superbe des Amerois, qui était la résidence d’été de la comtesse de Flandre.

— Il faut aller à Valradour, y pénétrer à m’importe quel prix, il le faut !

L’émotion était si forte que la voix du prêtre s’étranglait ; il étreignait la main de l’enfant ahuri, admettant mal qu’une autre pensée que celle de son père les occupât tous les trois.

— Mais le château est peut-être brûlé...

— Qu’importe, le souterrain ne peut l’être, et c’est le souterrain qui nous intéresse.

— Il y a un trésor, fit l’enfant avec un pâlo sourire ; qu’est-ce que ça peut bien nous faire.

— Plus que tu ne penses, le trésor est vivant !

Marthe eut un brusque éveil de compréhension.

— ... La lettre que je t’ai remise...

— Par pitié, ma sœur, ne me fais aucune question, je dis ce que je puis. Il y a là, dans une cave, une prisonnière et nous devons la délivrer.

— Nous ! une prisonnière, une criminelle ?

— Une victime.

René bondit :

— Oh ! partons vite.

— Oui, René, partons vite. Mets toute ta force, ton courage à cette œuvre.