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quer notre rendez-vous à Rome. Où dînons-nous ce soir ?

— À Culoz ; ce train n’a pas de wagon-restaurant sur cette petite ligne. Nous devrons arriver à Turin de très bonne heure demain.

— C’est le rapide, nous y dormirons fort bien ; j’ai retenu des couchettes par télégramme.

Au buffet de Culoz, la mère et le fils durent se contenter d’un modeste repas, chose fort indifférente à ces deux êtres peu matériels. Le train de Genève amena près d’eux une dame et une jeune fille qui leur demandèrent à partager leur table, les autres étant encombrées. C’étaient des voyageuses discrètes, mises avec l’élégance sobre d’une tenue de voyage. Elles étaient évidemment mère et fille. Cette dernière semblait avoir dix-huit à vingt ans. Elle avait un charmant sourire, toute joyeuse de se rendre à Rome, ainsi que l’apprirent ses voisins par la conversation à voix contenue, qu’elle avait avec sa compagne, et qu’ils percevaient sans y prendre part. Soudain, la mère s’écria :

— Yolaine, as-tu le sac rouge ?

— Le sac rouge ? mais non, je ne l’ai pas.

— Oh ! il est resté dans le filet du wagon. Je suis sûre de ne pas l’avoir pris, j’avais ma trousse, les parapluies…

— Et moi les couvertures. Et nos billets, nos places de sleeping qui sont dedans ! Je vais courir au télégraphe. Roc-Marie intervint :

— Le train venant de Suisse est encore en gare, Madame, mais il siffle, il va partir, hâtez-vous.

Yolaine s’élança, Roc-Marie complaisant, la suivit vite, la devança, le train s’ébranlait, le jeune homme bondit sur les marches d’un couloir, arpenta vite deux ou trois compartiments où peu de voyageurs se casaient. Il demandait à haute voix :

— Un sac rouge oublié dans le filet, s’il vous plaît.

Un officier aussitôt répondit :

— Un sac rouge, le voilà !

Il tendait l’objet, la portière était fermée, Roc-Marie l’ouvrit rapidement et sauta malgré l’accélération du mouvement, mais il était habile à tous les sports et savait la manière de descendre en marche, l’ayant pratiquée souvent quand il s’exerçait au gymnase. Il revint-en courant vers les deux étrangères restées sur le quai.