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rai encore un peu, mon fils. Peut-être, viendras-tu célébrer ta première messe dans notre chapelle des Pins, si rustique, mais si prenante ; elle inspire la prière et la foi ! Elle ne ressemble pas aux autres sanctuaires, perchée sur le roc devant la grande immensité des flots.

— C’est toi, maman, qui as dessiné la décoration. Les murs en granit de la côte étincellent de mica quand le soleil y pénètre, le tableau de la Sainte Vierge, en grandeur naturelle et peint par toi, selon l’admirable et vraisemblable type oriental dont tu as pris l’idée en Afrique. La Vierge brune aux yeux noirs brillant de tendresse entre les deux petits anges auxquels tu as donné nos traits à Renaud et à moi. La Marquise sourit :

— Le mieux, vois-tu, est ce que tous ceux qui entrent à Notre-Dame-des-Pins remarquent, c’est la statue posée près du seuil et dont le geste désigne la nef.

— Saint-Roc, le grand saint Roc sculpté dans la pierre bleue avec son fidèle compagnon près de lui. Ah ! tu as su choisir l’artiste qui a créé ce chien de granit dont la tête levée vers son maître, a une expression étonnante. Moi aussi comme je préfère Ker-Menhir à toute autre résidence. Seulement, si je reste à la Via della Buon-Compagnia à Rome, plusieurs années pour mes études théologiques, tu ne peux demeurer seule, là-bas, où la mer jaillit jusqu’à nos fenêtres.

— Nous y avons pourtant habité pendant bien des années.

— Tu n’y étais pas seule. Nous étions là, notre professeur, notre gouvernante. Tu t’occupais de nous ; maintenant, tu resterais des heures à rêver... à revoir ce qui fut. Ce sera le même horizon de vagues pareilles, mais tes oiselets seront envolés et tu resteras triste, mère. Ecoute-moi. Si le Saint-Père m’admet parmi les élèves privilégiés du Séminaire français à Rome, installe-toi au Cénacle ; il y a des Dames pensionnaires, tu n’y seras pas isolée. Notre amie de la Tour-du-Pin y réside, la Comtesse de la Fare aussi, quand elles viennent en Italie, ce qui est chaque année pendant plusieurs mois.

— On verra, chéri, attendons l’heure pour les grandes décisions. Tiens, voilà les heureux époux qui descendent. Regarde ! le spectacle est ravissant.

— Oh ! tout à fait ravissant ; Renaud en berger des