Page:Gouraud d’Ablancourt - La Route perdue, 1930.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’officier s’inclina avec un remerciement ; la vieille lame continuait :

— Pauline, mon cœur, passez-moi donc une aveline, j’ai la coquetterie de savoir encore croquer un bonbon. .. Merci ! Je suis triste de vous perdre, chère, à peine retrouvée. J’avais tablé sur votre présence ici toute l’année.

— Pourquoi partez-vous si vite, Marquise, fit Gislain ; moi aussi j’espérais que vous resteriez un peu au Val d’Ombre avec le jeune ménage.

— Je l’aurais aimé. Vous revoir souvent, mes amis, offrait grand attrait ; mais il faut maintenant, que voilà Renaud casé, que je songe à Roc-Marie.

— Hé bien, Pauline, mon filleul ne serait pas mal en point que je sache au milieu de nous.

— Ne connaissez-vous pas les idées de mon fils, ma bonne Duchesse !

— Si. Il m’a mandé en une longue lettre écrite de sa garnison, il y a quelque temps, un fort beau projet ; mais, si grave, qu’il demande à mûrir.

— Justement. C’est pourquoi je lui ai promis de l’accompagner dans le Midi, aussitôt le mariage de son frère.

— Vous irez à Rome, dit Gislain, c’est bien la meilleure idée.

— A Rome ou à Jérusalem. Nous allons commencer par les Pyrénées-Orientales, chez ma tante Adélaïde de Caraman. Elle appartient au Chapitre de Koenigswald en Bavière.

— Elle est toujours chanoinesse, c’est un titre qui ne se perd pas.

— Où habite-t-elle ? Je l’ai connue à Paris, expliqua la douairière. Elle possédait un ravissant vieil hôtel entouré de jardins, une véritable oasis dans une des rues les plus bruyantes de la capitale : la rue du Bac, vers le haut à droite. Qu’en a-t-elle fait ?

— Je crois qu’elle y a mis les religieuses laïcisées pour l’enseignement ; c’est la pépinière où vont s’approvisionner les pauvres directrices d’écoles libres. Toute sa fortune passe là et elle vit comme une ermite à Toulousou, un vieux manoir.

— J’aimerais tant vivre tranquille plusieurs jours auprès d’elle, exprima Roc-Marie enthousiaste ; il y a une chapelle qui date de l’an mille. On dit qu’elle fut bâtie miraculeusement en une nuit par les âmes du Purgatoire, la veille de la Toussaint.