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un concert. Plus tard, le comte de Flandre l’acheta, l’embellit, fit dessiner le parc ravissant. Il vient l’habiter l’été, et y reçoit sa nombreuse famille.

— Dont le roi Albert.

— A cette époque, c’était un joyeux bambin qui jouait avec ses sœurs et son grand frère Baudoin, si prématurément enlevé à l’affection des siens.

— Je me souviens ; un drame, a-t-on dit.

— Un drame ? Non, un grand chagrin. C’était un prince séduisant au possible, qui partit de ce monde, hélas ! en pleine jeunesse. J’ai l’honneur de connaître la Famille Royale ; on ne saurait dire à quel point tous ses membres sont charmants. Tenez, sous ces arbres, près de ce calvaire en losange dont vous voyez la silhouette, la comtesse de Flandre se plaît souvent à dessiner. Elle fait des « eaux-fortes » représentant les bords de la Semois, les ruines célèbres d’Orval dont on veut rétablir à présent l’abbaye, le moulin, le pont, etc...

— C’est une grande artiste, très musicienne, aussi, je crois.

— Sa fille, la princesse Henriette a hérité du talent de sa mère, elle dessine et peint admirablement ; elle a des albums sur lesquels, en regard du récit de ses voyages, elle a tracé quelques vues des sites qui l’ont le plus frappée.

— Ah ! mon ami, que de fois je fus convié à de joyeuses « garden-party » avec cette brillante jeunesse. La comtesse de Flandre a, outre le roi Albert, deux filles, n’est-ce pas ?

— Oui. La princesse Henriette devenue française par son mariage avec un Fils de France. Elle vient chaque année aux Amerois ; j’ai vu grandir ses enfants : les princesses Marie-Louise, Sophie, Geneviève, et le petit duc de Nemours. Ils avaient pour compagnons de jeu les enfants de leur tante, la princesse Joséphine de Hohenzollern, au nombre de trois : les princesses Marie-Louise et Stéphanie et le prince Albreth. Les enfants du roi Albert s’y mêlaient aussi. La belle et bonne grand’mère est bien entourée. Et vos compatriotes de proche garnison font partie, fréquemment, du groupe des invités. Cet été, personne n’a été reçu. Le château est resté privé de son aspect joyeux.

— Bonjour, mon vieux Gislain, interrompit une voix enjouée.