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— Je le crois fermement. Un jour, grand’mère m’avait donné une petite somme pour aller payer notre boulanger à Saint-Malo. Je suis allée par la grève, j’ai joué avec Mihinic et j’ai perdu ma bourse. C’était un avertissement. Je ne devais pas m’attarder. Alors, désespérée, je suis allée me jeter aux pieds de saint Antoine de Padoue : Dieu a eu pitié de mon repentir et, le lendemain, le ressac laissait ma bourse intacte sur le sable.

N’était-ce pas un miracle[1] ?

— La vie en est remplie, ma fille, depuis que j’exerce ici mon saint ministère, les occasions furent innombrables où j’eus à bénir et louer une manifestation visible de la Providence.

— Alors, Monsieur le curé, je puis parler au comte Hartfleld, lui répondre définitivement ?

— Oui, mon enfant, insistez avant tout sur l’absolue liberté de vos devoirs religieux. »

Les deux amis se séparèrent. Michelle rentra par la plage ; elle se disait avec raison que la marée étant basse, son fiancé viendrait sans doute par là, et qu’elle avait ainsi des chances de le rencontrer.

Toujours enfant, malgré le pas immense qu’elle venait de faire en pleine jeunesse, et dont son costume marquait l’évolution, elle descendit la dune en courant et sauta du dernier rocher sur le sable humide et mou.

À quelques pas, Hans, assis à l’ombre, un journal à la main, la regardait venir en souriant.

Elle rougit, comme prise en faute et balbutia :

« Je… je ne vous savais pas là.

— J’y suis depuis de longues heures, petite Mouette. Comment avez-vous pu penser

  1. Ce fait est réel, il se produisit cette année à Paramé, devant l’auteur.