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La fillette grimpa lestement chez elle, dans son coin perdu à l’angle est du château. Elle s’arrangea près de la fenêtre au bas de laquelle venait battre la vague, et là, seule, l’âme au loin, elle entreprit de ses doigts une grande besogne : réformer sa toilette, allonger ses jupes, mettre des hauts à ses chaussettes, pour qu’elles puissent devenir des bas, fabriquer avec un crochet et du fil des gants pour ses pauvres petites mains brunies par le soleil et le travail. Oh ! quelle entreprise, avec de si minces éléments, de si insuffisantes matières premières ! Et ce béret de gamin, il fallait à tout prix lui trouver un successeur. Au couvent, avec des joncs, on se tressait des chapeaux de jardin. Elle allait en garnir un avec des bruyères. Sa robe de Première Communion lui fournirait un ruban blanc, et la mousseline blanche de la jupe pourrait couvrir un corsage, en cacher les agrandissements successifs.

Alors, elle s’ingénia, avec son goût natif ; elle improvisa une sorte de costume bariolé, étrange, mais en somme possible sur une plage et grâce à sa souplesse, à sa belle santé, à ses cheveux épais et naturellement bouclés, à ses superbes yeux intelligents et profonds, elle trouva le moyen d’être charmante, et quand elle se présenta ainsi vêtue dans le chemin de douanier, où elle avait rendez-vous avec le bon recteur de Saint-Enogat, il s’écria à sa vue :