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belle patrie, que j’aime infiniment, vous emmènerez de France des serviteurs si vous voulez et votre Trilby.

— Merci. Vous êtes bon. Il y a ici un petit mousse qui a été mon compagnon de jeux, c’est le fils du matelot Lahoul. Je serais contente de l’emmener avec moi, pour avoir quelqu’un qui me parle quelquefois du pays.

— Prenez votre mousse, nous en ferons un groom. »

Michelle joignit les mains ; elle ne trouvait plus de mots capables d’exprimer l’attendrissement de gratitude qu’elle éprouvait. N’était-ce pas un rêve ce changement à vue de leur détresse en aisance ? ce grand seigneur étranger, qui s’inclinait vers elle, comme un envoyé de Dieu ? Elle pensait à Eliézer, chargé de présents, qui s’en allait quérir une femme pour son maître, et elle ne s’effrayait plus autant de la distance où il l’emmènerait. Elle se disait que le ciel était partout où résidait le devoir, que sa paix viendrait de l’assurance du bonheur de celles qu’elle aimait ; qu’elle les suivrait de loin et que la pensée n’a jamais d’exil, ni de chaînes. Certes, elle l’aimerait cet homme généreux ; elle serait pour lui, bonne, douce et dévouée. Il pouvait bien compter sur elle et lui demander d’accomplir des choses pénibles. Elle y mettrait tout son cœur, toute sa joie. Elle leva vers lui son beau regard limpide :