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« Viens avec moi, Pierre, aujourd’hui je veux aller choisir le berceau.

— Aujourd’hui, ma chère Jane, c’est que j’ai bien à faire.

— Oh ! une heure seulement. Nous prendrons une voiture, nous irons rue de la Chaussée-d’Antin ; j’ai vu à une vitrine un ravissant berceau en cuivre doré garni de satin azur et de dentelles.

— Ce sera atrocement cher !

— Mais si joli, et pour notre bébé, rien ne saura être assez beau.

— Sûrement. Mais il n’appréciera, je t’assure, que son bien-être, et pas beaucoup l’ornement.

— Quoi ? tu me refuserais. Ce serait la première fois, fit Jane câline.

— Non, non, je ne refuse pas, répondit Pierre vaincu, jamais, certes, je ne veux te causer un regret. »

Il soupira, tandis que Jane, joyeuse, ouvrait béant son porte-monnaie et le jetait en riant à son mari, comme une enfant qui joue.

« Il faut y remettre des louis, Pierre ; songe qu’il est déjà vide ; je suis surprise de voir à quel point l’or roule facilement à Paris.

— Oui, je vais en mettre, dit le jeune, homme en se levant de table ; prépare-toi vite, nous allons partir, car j’ai peu de temps à te consacrer. »

Pierre s’éloigna et, pendant que la voix harmonieuse de Jane, qui chantait tout en s’habillant, pénétrait jusqu’à lui, il saisit ses livres, les feuilleta rapidement et les referma découragé.

Pierre, en sa joie de nouvel époux, n’avait pas calculé, n’avait pas restreint la soif de luxe de sa femme. Cette jeune fille, pauvrement élevée, avait eu une réaction complète vers le bien-être, le plaisir de dépenser, de