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en moi, vous savez que je serai toujours digne de vous. »

La marquise eut un long regard attendri vers l’enfant qu’elle avait élevée, elle lut clairement dans l’âme de la petite, pendant que Mme Carlet chantait vaguement, coupant son chant d’éclats de rire joyeux à la pensée des richesses à venir.

Rosalie récita son chapelet avec cette intention assez contradictoire :

Que Michelle soit heureuse ; mais qu’elle ne la quitte pas. Le bon Dieu arrangerait bien les choses. Lui qui voit de loin sait que si toutes nos prières étaient exaucées, ce serait souvent pour notre plus grand malheur.


X


Michelle dormit peu pour la première fois de sa vie. Elle s’éveilla en sursaut plusieurs fois, et comme la lune envoyait ses rayons dans sa tour, dessinant les dalles, l’ogive de la fenêtre, les feuilles, les plantes grimpantes que le souffle de mer agitait, elle se mit à regarder ce tableau, à contempler les murs nus de sa tour, le plafond en voûte, puis son petit mobilier branlant, cette froide et nue misère de son pauvre intérieur qu’elle aimait pourtant, ces choses que sa jeunesse rendait gaies, cette pièce où elle avait chanté travaillé, ri, où tout enfant elle avait dormi avec Trilby.

À présent, elle avait le cœur serré de l’appréhension des lendemains changeants, des nouvelles étapes de la vie. Et elle se leva très tôt, courut au jardin où, dans le creux d’un vieil arbre, elle avait posé une Vierge avec des fleurs et des coquillages.

Là, elle s’agenouilla ; dans un élan de tout l’être, elle s’écria : « Oh ! Vierge Marie, soyez