— Même cela, je ne suis pas égoïste, ou du moins je veux ne pas l’être. Durant ma vie entière, et elle est longue, j’ai travaillé à tuer en moi ce défaut naturel à l’humanité, mais repoussant, et cette fois encore, je prie Dieu de m’y aider, s’il y a lieu.
— Votre petite-fille est votre ange consolateur, la joie de vos jours ; si vous me faisiez l’honneur de m’admettre dans votre famille, je vous l’enlèverais pour l’emmener sous mon toit, dans ma patrie, dans cette Allemagne où vous avez fait vos premiers pas. Réfléchissez, marquise, je vous demande un immense sacrifice ; seulement, je vous jure de mettre ma volonté absolue, tous mes actes, à faire le bonheur de votre Michelle.
— Monsieur, vous nous comblez, vous ignorez sans doute la situation de ma petite-fille ?
— Je ne le crois pas, Madame.
— Oui, quant à la fortune. Notre économie est assez visible pour vous ôter, en effet, toute illusion. Il s’agit de la naissance… Je vous dois la vérité. »
Il s’inclina un peu inquiet. La marquise reprit, une légère rougeur au front.
« Ma petite n’a pas de nom, une mésalliance…
— Qu’importe, Madame, si l’honneur est sauf. Le titre et le nom que j’offre à Mlle Michelle sont assez beaux pour se passer d’adjonction. Les Hartfeld de Rantzein portent : de gueule à neuf fers de lances avec pour devise : Face en tous sens. Et, chose bizarre, notre devise s’écrit en français, parce que notre famille, d’origine française, émigra au temps de l’édit de Nantes. Un de mes arrière-grands-pères eut, par alliance, la terre de Rantzein, sise près de Fribourg-en-Brisgau, et beaucoup des nôtres combattirent pour la France, au temps où une partie de notre