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S’il avait été jour et que la fillette se fût retournée, elle eût été grandement surprise devant l’expression bienveillante, presque émue, de ce regard habituellement dur. Peut-être, en sa naïveté de simple créature, eût-elle éprouvé un peu de sympathie pour cet étranger que le hasard ou plutôt la Providence jetait au travers du chemin difficile, montueux, abrupt où elle haletait péniblement. Peut-être eût-elle deviné en cette rencontre le doigt de Dieu, le nœud de sa destinée… mais l’enfant ne songeait pas encore à l’avenir ; aucun autre horizon que celui du lendemain ne déployait devant elle son insondable inconnu.

Lui, l’étranger, l’homme au milieu de la vie qui a l’expérience des jours et connaît les déceptions qu’offre la société mondaine, pensait, le front dans ses mains, par cette lumineuse nuit d’été :

« Quelle vaillante petite sauvage, souple et vive, sans coquetterie, sans fausseté, le type idéal de la créature primitive, que n’a déformée, ni éducation, ni contrainte. Si je me mariais jamais, voilà la femme que je voudrais voir à mon foyer. Ce matin, je la regardais adresser sa prière au pied de l’autel de la Vierge, et quand une jeune fille possède cette pureté d’intention, cette foi naïve, on peut, en toute sûreté, lui confier l’honneur de son nom. Ah ! quelle différence avec nos villes remplies de comédiennes, sans loyauté et sans religion ».

Et il rêva longtemps encore au bruit des vagues qui s’harmonisait avec la brise dans les sapins et mettait dans l’âme une exquise impression de paix.


VIII


L’accueil que la douairière fit à sa fille fut tristement ému.