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Michelle glissa le volume sous l’un de ses bras, les parapluies sous l’autre, puis, la valise d’une main, le sac de voyage de l’autre, elle marcha résolument le sourire aux lèvres. Ses bras minces se roidissaient, les muscles saillaient et les veines gonflées de ses mains prouvaient l’excès du poids.

Sa mère suivait en gémissant sans trêve.

À travers les rues montueuses de la ville, la fatigue s’accentua, Michelle dut un instant poser à terre ses paquets, les changer de côté, mais elle s’amusait, se moquait d’elle-même.

« Votre bourriquet a plus de cœur que de force, mère. »

Quand elles parvinrent à la cale d’embarquement, l’enfant, rouge, essoufflée, le front trempé de sueur, se laissa tomber sur le banc. Mme Carlet, aidée de Lahoul, s’assit à l’arrière, et le marin, remarquant l’état de l’enfant, lui jeta sur les épaules sa vieille vareuse de laine bleue, tandis que sa mère se garait du ressaut des vagues avec son plaid de voyage.

Le vent chassait la barque et l’on dut tirer des bordées, prendre encore des ris ; un peu de houle accentuait l’embouchure de la Rance, et la légère bisquine tanguait ferme au grand plaisir de Michelle et au grand effroi de Mme Carlet qui poussait des cris de frayeur.

« Oh ! rien à craindre, répétait le matelot, à la moindre saute de vent, je file l’écoute et