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— Tu es campé très près d’ici ?

— En face ; la rivière à passer et je suis chez moi ; mais, tenez, tante, écoutez… J’entends notre clairon. C’est l’alerte. »

Il se leva en sursaut, ouvrit vivement la porte-fenêtre donnant sur le jardin.

« Adieu, tante, c’est un appel, j’ai à peine le temps d’arriver. Au revoir. »

Il mit une caresse rapide sur le front de la malade, et, sans perdre une minute, sortit. Il courait ; une passerelle était à cet endroit jetée sur l’eau, il la franchit en deux bonds, escalada le coteau inverse toujours courant, et arriva enfin haletant au bivouac désert. Une troupe, au loin, fuyait au pas de course.


V


Henri se hâta vers son bataillon, et arriva à rejoindre sa place grâce à la nuit. François, très inquiet, lui saisit le bras au moment où, épuisé, il avait glissé sur la terre humide.

« Enfin ! j’ai répondu pour toi à l’appel, grâce à la nuit. Comme tu as été longtemps !

— Halte ! criait l’officier, fusil terre ! »

À ce moment seulement, tant sa hâte avait été grande, Henri s’aperçut, à son extrême stupeur, qu’il n’avait plus son fusil.

« Mon fusil ! s’écria-t-il, je te l’ai donné, François ?

— Non. L’aurais-tu perdu ? Ce ne serait pas drôle.

— Mais non, je ne l’ai pas perdu, il doit être resté au campement.

— Demi-tour à droite, marche ! pas accéléré, » ordonna le capitaine.

Ils rentraient et, peu à peu, une frayeur gagnait le cœur du jeune homme. Cette