cuisante blessure se rouvrait et elle approuva son fils.
« Écoute ton frère, ma fille, tu ne sais pas ce qu’il est dur d’avoir deux patries : celle où l’on est et celle où l’on a les siens.
— Que m’importe, à moi, j’ai déjà deux germes. En acceptant une troisième patrie, la fusion se fera et il ne restera rien, tout sera fondu. L’argent m’est égal. Je n’aime pas Rantzein, on y meurt d’ennui, mon fiancé possède un château, des terres immenses.
— Tu n’as pas de fiancé, Frida, reprit Wilhem. Je ne veux pas entendre discuter une union impossible. Je vais parler à Vasili, il me comprendra mieux que toi. Bonsoir, ma sœur.
— Bonsoir, mon frère, répondit la jeune fille hautaine, sans même tendre la main. Nous verrons bien qui décidera de celle qui en a le droit ou de celui qui se l’arroge. »
Elle partit sans regarder sa mère ni Henri, l’âme trop irritée pour penser aux devoirs de famille, et Michelle, très fatiguée, très malheureuse de cette désunion des siens, embrassa tendrement ses deux fils avec ces mots :
« J’ai semé de mauvaises graines, mes pauvres enfants, je donnerais bien ma vie pour faire seule la récolte.
— Ne t’afflige pas, mère, répondit Wilhem, tu as agi selon ta conscience et selon ton cœur. On n’est pas toujours maître de soi-même et l’acte que nous accomplissons vient souvent d’un au delà mystérieux, en face duquel notre énergie personnelle n’est qu’une machine.
— Bonsoir mère, ne trouble pas ton sommeil, tes fils t’aiment de tout leur cœur, » ajouta Henri.