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chisseuse en regardant Henri : Il ne veut pas faire sa carrière de l’état militaire ? Ça lui irait pourtant joliment bien l’habit d’officier, un si beau garçon !

— Non. Nous aurons bien assez, lui et moi, de trembler pendant trois ans de l’inquiétude d’une guerre.

— Ma foi, je le comprends, je ne voudrais pas non plus voir François continuer à vivre sous les drapeaux.

— J’ai une raison bien grave. Si un conflit éclatait entre les deux vieilles ennemies : la France et la Prusse, vous voyez notre situation, n’est-ce pas ?

— Deux frères se battant l’un contre l’autre.

— Justement. Wilhem, qui est allé à l’École militaire à Berlin, est déjà officier. Je ne sais pas ce que je pourrais bien devenir si je voyais mes fils dans deux camps ennemis : folle probablement.

— Ça donne la chair de poule, en effet.

— François, lui, ne sera soldat qu’un an.

— Oui, il est fils de veuve et élève de l’École centrale.

— C’est à vous que je dois ce dernier titre, Madame, ajouta François qui écoutait à demi. Je reviendrai vite près de ma chère maman. Si vous ne m’aviez pas fait faire mes études avec Henri, je ne serais pas aujourd’hui en passe d’être ingénieur.

— Dame, c’est sûr, nous vous devons notre bonheur, renchérit Mme Pierre.

— C’est-à-dire que François doit à son amour du travail le succès de ses études. Je n’ai été qu’égoïste en donnant à mon fils un ami fidèle.

— Vous avez même dépassé les limites de l’égoïsme, Madame, ajouta François, parce que les extrêmes se touchent. »