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jamais bien compris la triste obligation. Il reste en lui, à mon égard, un peu de froideur.

— Et votre Frida ?

— Oh ! celle-là ne m’aime pas du tout ; élevée loin de moi, entretenue dans l’idée que j’étais une mère dénaturée, elle n’a pour moi aucune tendresse. Elle m’écrit tous les ans une lettre officielle.

— Mais quand vous allez là-bas.

— Aux vacances avec Henri. Nous y restons un peu par devoir, sentant combien notre présence pèse. La tante des enfants me parle à peine, Wilhem est presque affectueux, Frida silencieuse, Henri, tellement mal à l’aise avec sa nature exubérante, que nous abrégeons toujours notre voyage, ne parvenant à retrouver nos manières naturelles qu’à la frontière.

— Pourtant les deux frères s’aiment.

— Beaucoup. Wilhem est noble et généreux. Malgré l’option de son frère pour la France et qu’il désapprouvait, mon fils aîné a partagé intégralement avec Henri la fortune paternelle. Aucune loi ne l’y forçait. Il a agi d’après sa propre justice.

— De sorte que vous voilà millionnaires.

— Henri oui, pas moi, je n’ai pas un franc de rente, dit Michelle en souriant, avec sa belle indifférence de tous temps pour l’argent.

— C’est comme moi, alors, fit Mme Pierre, j’ai mes deux bras, une bonne tête. Dieu merci, et un bon état.

— Moi, j’ai un bon fils. »

Henri et François causaient ensemble avec animation sans prêter attention à ce qui se disait près d’eux. Ils parlaient des camarades des garnisons avec l’entrain de leur âge.

« Vous ne le laisserez pas soldat après son temps, Madame la comtesse ? reprit la blan-