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Il eut mieux valu qu’elle eût emmené Frida avec elle, les deux Hartfeld n’étaient pas de trop pour soutenir la réputation du grand mort qui fut notre père ! mais Frida était trop petite. Nous serons sans doute toujours séparés maintenant ; étudiant en France, élevé par maman, tu seras Français, toi ! Notre famille sera en deux morceaux, à cheval sur deux pays, et deux pays ennemis ! Si je n’étais pas un homme, des fois je pleurerais… Tu peux m’écrire à Heidelberg où je vais aller à présent. Tante vient de décider de quitter tout à fait Berlin pour vivre à Rantzein, où nos intérêts, non surveillés, souffrent, paraît-il.

J’ai fait ma Première Communion, et tu penses bien quel a été le but de mes prières. Je ne l’ai pas faite comme les autres enfants, entouré de ma famille et de mes amis, mais j’avais le bon Dieu dans le cœur et cela remplaçait tout !

Parle-moi de maman, de ta vie, je crains que tu n’aies pas d’argent, tu aurais dû prendre en partant ma bourse avec la tienne, elle était à côté. Quel dommage que j’aie dormi ! car j’ai tout deviné à force de réfléchir. Je t’envoie la moitié de mon argent de poche ; tous les mois, nous partagerons.

Embrasse maman bien fort, puisque tu as des baisers à donner et à rendre, moi, je n’ai embrassé personne que Frida depuis le jour de la mort de papa. Je travaille, je veux