Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/282

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— En attendant, Madame la comtesse, permettez à une pauvre servante de vous conseiller : ne restez pas là, laissez croire que vous êtes partie, allez prendre des forces à la ferme de ma sœur que vous connaissez et qui se souvient de vos bontés. Ensuite, à la brune, revenez ; mon mari a, comme palfrenier, la clé de la cour des écuries, je la lui prendrai sans qu’il le sache et alors, pendant le souper des gens, qui a toujours lieu à neuf heures et demie, vous pourrez vous glisser par l’escalier de service jusqu’à la chambre des enfants. Ils seront couchés, le précepteur sera monté à son appartement, je me trouverai seule à leur garde.

J’aurai soin de ne pas souper comme d’habitude avant tout le monde, et je resterai à l’office pour tâcher d’allonger le repas, de retenir les gens, de sorte que vous pourrez être un moment tranquille là-haut. Quand je monterai, vous serez partie, n’est-ce pas, Madame ? Sans quoi, je serais perdue, compromise, chassée ; il faut que nul ne soupçonne votre visite et que les petits garçons soient discrets, s’ils sont éveillés. »

La comtesse tendit les mains à la servante.

« Merci, dit-elle du fond de l’âme.

— C’est que, répondit Mina, je me mets à votre place, pauvre mère ! »

La nourrice oubliait les distances ; elle voyait une martyre, une proscrite, et son cœur était ému.