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Elle se dirigea vers la gare, prit un billet pour Rantzein et monta dans le premier train.

La comtesse Hartfeld fuyait…

Les wagons filaient dans l’ombre, rayaient les haies et les bois de lumières rapides, les voyageurs s’allongeaient sur les banquettes. Une femme et un bébé de deux à trois ans étaient installés vis-à-vis de Michelle.

L’enfant avançait ses menottes vers l’étrangère, cherchait à saisir la chaîne d’or qui soutenait la montre de la comtesse Hartfeld. Et cet enfant au rire clair, tout à coup rappela à la malheureuse mère sa Frida qu’elle n’avait pas embrassée ce soir-là dans son berceau, et Wilhem et Heinrich qui n’avaient pas eu le tendre bonsoir quotidien. Elle fondit en larmes malgré elle, éperdument, pour la première fois depuis les rapides événements qui venaient de s’accomplir.

La mère du bébé s’émut :

« Madame, qu’avez-vous ? Quel chagrin vous accable ? Mon Dieu ! que vous me faites de peine !

— Ne vous occupez pas de moi, je vous prie ; je ne suis pas maîtresse de mes nerfs, je ne puis me contenir.

— Mon enfant vous dérange, mon petit Georges est un indiscret ; je suis désolée de la douleur qu’il a provoquée ! Madame, vous devez avoir un froid terrible, par cette nuit froide, sans manteau ; prenez ce châle, je vous en prie ; laissez-moi vous couvrir. »

La brave créature avait pris les mains glacées de Michelle ; elle l’enveloppait d’un châle de laine tricotée, et elle avait pour sa