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Pendant le trajet qu’ils firent en coupé l’un près de l’autre, Michelle et l’Alsacien eurent le loisir de causer.

« Moi, dit Albert, je cherche notre revanche dans la lune, ainsi que le dit maman pour rire, mais il est de fait que certaines conjonctions des planètes avec les signes du zodiaque annonçaient en 1870 une catastrophe. Et dans quelques années, vers la fin du siècle, elles se trouveront dans telle position que le vieux monde en sera ébranlé. Ici, à Berlin, on croit que je me promène avec mon télescope pour cacher mon jeu. Un homme de la police me suit, il paraît que je suis très dangereux pour l’empire avec mes rêves étoilés.

— Les Allemands voient des espions partout, ils en ont jadis tant lancés sur notre patrie.

— Ils avaient bien mené leur barque et sans bruit, mais patience, demain ce sera notre tour.

— Travaillez-vous réellement pour la France, ici ?

— Sans doute. Je m’instruis, j’observe, et de temps à autre j’envoie un article en France à un journal, mais je ne fais rien contre mes hôtes actuels, rien qui mérite la surveillance dont on me gratifie.

— Mais ces leçons aux enfants vous prendront un temps précieux.

— Non, j’ai besoin parfois de descendre des nuages. Cette besogne me rappelle à point l’humilité chrétienne. »

Les deux voyageurs continuèrent à causer pendant l’heure de voyage, et quand ils furent au pavillon, Michelle trouva une classe propre, habitée par des enfants au regard heureux, à l’âme ouverte par le bien-être nouveau dont ils jouissaient, à toutes les impressions saines. Dès lors, elle s’at-