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— Je n’osais pas vous en parler, Madame, quoique je pense à lui depuis que je vous vois. Il a été si atrocement blessé !

— Dieu nous l’a conservé, infirme mais vivant, ses pauvres jambes brisées l’obligent à marcher avec deux cannes, mais il est si gai, si résigné que, l’habitude étant prise, nous ne sommes plus tristes. Il fait à l’école la lecture et l’écriture.

— Nous voilà montés, ce me semble, je vous remercie d’avoir pensé à moi. Quand dois-je commencer ?

— Dès samedi.

— Volontiers, pourrai-je parfois emmener mes fils ?

— Quand vous voudrez. »

Ce projet plut beaucoup à Michelle, elle allait trouver là un élément de joie, seulement ne serait-il pas prudent de taire à Edvig ce nouvel arrangement ? Elle ne manquerait pas d’y chercher un but politique et d’en convaincre Hans. Oui, il fallait se taire, elle pouvait s’absenter le matin, à l’heure où les enfants étaient au collège, Frida avec sa bonne. Elle sortait souvent à cheval suivie d’un groom.

Le samedi suivant, son petit catéchisme dans sa poche, Michelle passa chez Mme Freeman. Celle-ci présenta à la jeune femme son fils Albert, et tout de suite une sympathie naquit entre ces deux âmes dévouées. Lui, résigné à la vie inactive — au moins physiquement, — s’était jeté dans l’étude, il s’occupait de recherches scientifiques, étudiant le monde du ciel ; les étoiles, les planètes le passionnaient. Dans sa famille on l’appelait l’astrologue, et, de fait il révélait par des calculs savants de curieuses choses. Comme récréation, il avait voulu apprendre à lire aux petits abandonnés.