Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/229

Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’y a plus de régiments à présent, on passe de l’un dans l’autre, sans seulement y prendre garde. On se bat, voilà. Enfin, il n’est pas tué, j’espère. Il a payé son écot au début, lui ! Comme ça sonne clair, ces cloches ! Ah ! que je suis donc heureux d’y aller, à la messe de minuit. Depuis si longtemps, que je n’ai pu mettre le pied dans une église ! Il n’y a pas de foule sur la route, on a peur… parbleu, ça se comprend.

Qu’est-ce qui se passe donc par là dans ces broussailles ?

J’entends que ça remue. On s’est battu autour tantôt, ce doit être des bêtes qui lèchent le sang… si c’était un blessé, tout de même. Il faut voir. »

Il sauta le fossé, gagna le talus. Des allumettes erraient dans sa poche, il en frotta une et tressaillit.

« Oui, un blessé ! un soldat, il gratte la terre et les feuilles avec ses doigts, il doit être bien bas. Ouf, c’est un Prussien, ah ! un Prussien, pas la peine de me déranger. »

Il repassa le fossé ; mais ses jambes refusaient d’avancer, les cloches continuaient à se balancer dans le clocher. Un remords peignait le breton : « Tout de même, se disait-il, c’est un chrétien qui agonise. »

Il retourna sur ses pas, frotta encore une allumette :

« Oui, c’est bien un Prussien, oh ! oh ! et galonné donc ! Mon général ! Seigneur Jésus ! c’est le comte Hartfeld, mon maître ! Ah ! bien, j’allais faire une belle besogne, un homme qui ne m’a jamais fait que du bien. Tout de même, c’est pas de sa faute s’il est né Prussien. »

Il se pencha :