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que je le joigne. Je dévale la falaise ; bonsoir, fillette. »

Yvonne suivit la route un peu abritée du talus des dunes, la villa s’élevait très blanche sur la pointe de la Goule aux fées. Le croissant, nettement dessiné au-dessus des tourelles, les faisait plus blanches et plus froides encore. Sur le chemin, sa mante chassée par le vent, son falot agité par la marche, Yvonne semblait fantastique.

Il n’était guère que 6 heures du soir, mais, au temps de Noël, la nuit est close, et, en passant devant le cimetière, la Bretonne se signa pieusement, hâtant le pas. Les plaintes de la bise, entre les croix et les sapins, lui paraissaient chanter une chanson de trépassés… Elle arriva au but, essoufflée, le cœur battant de sa lutte contre les éléments. Elle ouvrit, entra dans le noir où ses pas éveillèrent des craquements. La petite lanterne était lugubre.

Yvonne se hâta d’allumer les hautes lampes en fer forgé du vestibule et du salon. Puis elle fit un bon feu qui répandit partout de la gaieté et de la chaleur, elle mit une bouilloire pour te thé, et, ce travail accompli, Yvonne s’assit devant la cheminée.

Le temps lui semblait long ; elle monta la pendule pour s’en rendre compte, et se mit à faire sa prière du soir, son chapelet ensuite lui prit encore un quart d’heure, et, comme elle achevait le dernier Ave Maria, un bruit de pas retentit sur la terre glacée. Elle courut ouvrir.

C’était son père, en nage, haletant.

« Vite, vite, un lit, en bas. Ils amènent M. Max, mourant, blessé… »

Tout en parlant, le matelot montait au premier étage, saisissait des matelas, des couvertures, sa fille le suivait, cherchant des draps, et, en quelques minutes, ils avaient préparé dans le salon une couchette provisoire :