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les nuages, se cachait à propos. Tapis entre les lauriers et le mur, ils retenaient leur souffle, ils lorgnaient entre les branches.

« Miracle ! murmura Georges, juste le soldat tourne l’angle. En route !

— Erreur, mon capitaine, jamais la sentinelle ne doit bouger de la ligne droite.

— J’en suis sûr, je le vois, viens toujours. »

Les deux fugitifs longèrent les taillis du parc, un chien les suivait pas à pas. Au bout du mur d’enceinte, il y avait une porte close bien entendu ; mais ce mur, couvert de lierres, offrait toute facilité pour grimper. Le Breton passa le premier, aidant son compagnon, dont le bras mal guéri était encore faible.

À présent, Minime prenait goût à ce jeu. Attraper les Prussiens, les battre, leur faire la guerre, lui aussi, ah ! quelle fête ! Et ils sautaient le mur, dévalaient la pente, sauvés ! Voici la Forêt Noire. Georges Rozel tomba à genoux, le Breton suivit son exemple, et en une action de grâce rapide, ils élevèrent leur cœur reconnaissant jusqu’au ciel.

À présent la marche rapide devenait impossible, il fallait éviter les grandes routes, suivre des sentiers où, malgré sa connaissance du pays, Minihic se perdait à chaque instant.

Ils glissaient sur les aiguilles de pins, un vent âpre leur jetait les branches au visage. Pas une étoile ne brillait sous le couvert des sapins, et pas une lueur de lune ne leur montrait l’horizon.

Personne ne les poursuivait encore ; jusqu’au jour, ils pouvaient être tranquilles, nul ne viendrait relever la garde de Minihic à la salle d’ambulance, avant six heures du matin. Toute la nuit était devant eux ; mentalement, ils invoquaient saint Antoine, pour qu’il leur aidât à trouver le chemin de France !

Plusieurs heures de marche pénible s’écoulèrent ; puis le sol s’abaissa ; ils étaient sur une pente, déjà les sommets s’éclairaient d’une vague blancheur vers l’Orient, et tout