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fort riche, lui fournissait un ample moyen d’étude. Il avait peine à fixer son esprit sur la méditation, à ressaisir ses anciennes habitudes de calme intérieur depuis qu’il avait admis en son cœur ces pensées de batailles. Et il se reprochait cette vie active de luttes passionnantes qui avaient distrait sa vocation.

Une après-midi, les enfants de Michelle jouaient sous la fenêtre ; par hasard, ils avaient un jeu tranquille et ne pensaient pas à la guerre ; alors l’idée vint à Rozel de faire un croquis de ces deux jolis garçons et il demanda à Minihic un crayon et une feuille de papier.

À peine avait-il terminé ce travail rapide, que le major entra pour l’inspection. Un nouveau convoi de blessés était annoncé. Il fallait que les convalescents fassent de la place. Georges et presque tous ses compagnons prendraient le lendemain le chemin de Ludow. Alors une idée vint au jeune homme : en face de l’horreur de cet internement indéfini, il pensa à tenter une fuite et, pendant que la garde du soir s’organisait, il pria Minihic de venir près de son lit après la prière.

À neuf heures, selon l’habitude, Michelle récitait la prière en français, à voix haute, les soldats répondaient ; aucune invocation spéciale n’était faite au sujet de la guerre ; mais tous avaient une pensée commune, quand, d’une voix suppliante, Michelle répétait : « Souvenez-vous, ô très pieuse Vierge Marie…, etc. »,

Ce soir-là donc, une grande inquiétude régnait parmi les prisonniers, c’était leur dernière nuit sous ce toit hospitalier. Ils ne verraient plus leur protectrice, et bien des larmes coulaient silencieuses et amères. Minihic veillait à l’intérieur et une sentinelle montait la garde devant la porte à l’extérieur. Le Breton s’approcha, suivant son désir, du lit de Georges Rozel.