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Le chirurgien, tout à son affaire, n’entendait pas, et Michelle, qu’une espérance folle venait de saisir, ne le prévenait pas :

S’il pouvait donc être prisonnier, désarmé, enfermé jusqu’à la fin de cette guerre maudite !

En ce moment, un obus tomba sur le toit de la grange, roula le long des tuiles et vint s’enfoncer dans la mare.

« Oh ! oh ! voici des pruneaux, fit le major, haut le drapeau, les enfants ! Qu’est-ce qui peut monter l’attacher à la girouette ? »

Un aide infirmier se hâta.

Hans, tâtonnant, marchait dans la cour.

« Un cheval ! suppliait-il.

— Pas un ici, général, et vous n’avez d’ailleurs pas la force de vous tenir sur une selle.

— Alors à pied, mais je ne veux pas être prisonnier. Venez, Michelle, conduisez-moi ; vous savez le chemin de Lomont, vous en arrivez ; c’est ce grand château où vous avez trouvé mon envoyé, à un kilomètre à peine d’ici, à travers bois. La nuit doit venir d’ailleurs, nous nous cacherons.»

Il saisit le sabre et le revolver qui étaient près de lui. Il s’appuya sur le premier, mit le second dans sa poche et, prenant le bras de sa femme :

« En route, tout droit.

— Général, vous êtes un indiscipliné ! » cria le major.

Sa voix se perdit. Un autre obus vint briser un chêne à quelques pas.

« Vite, vite, fit le général, la fusillade approche et ce ne sont pas des fusils allemands. Gagnons le couvert du bois ; courage, Michelle, mène-moi bien, chère femme, tu es mes yeux et ma vie, car je ne résisterais pas à la honte d’être prisonnier.

— Oui, Hans, je le comprends ; mais comme