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vieillard, lui montrait le chemin de l’exil, lui aidait à monter en carriole et revenait vers nous, les yeux mouillés de larmes. Il cherchait lui-même ce qu’il fallait dans les armoires, connaissait les ressources et tenait en ordre la maison[1].

— Tout cela est fratricide, les enfants du bon Dieu sont frères, Hans, pourquoi ces différences haineuses de nationalités ? Elles sont inexplicables. »

Le général eut un geste las de découragement.

Le maréchal de Moltke dit pourtant : « La guerre est sainte ; elle est salutaire. Et, de fait, depuis que le monde existe, la guerre a eu lieu. »

Comme ils parlaient, un bruit soudain envahit le calme des champs. Le canon grondait sourd et sinistre ; au loin, une fumée montait dans le ciel, voilant tout l’azur, et le docteur rassembla son monde, ses ressources de pansements extemporanés, et, au pas de course, il marcha vers le bruit.

Dans la maison, des plaintes s’entendirent ; la pauvre ambulance de première ligne contenait des mourants, des blessés destinés à l’évacuation sur l’hôpital et que des trains allaient prendre, quand la voie du chemin de fer serait dégagée.

Michelle jeta un regard à l’intérieur du bâtiment : quelques lits, de la paille et partout des soldats étendus gémissaient, suppliant, demandant à boire. Un seul infirmier ne pouvait suffire à écouter, à secourir ; elle eut la pensée de s’adjoindre à lui, de porter un peu d’eau, un peu d’aide aux innocentes victimes du grand crime des guerres ; mais Hans tenait sa main, elle n’osa bouger. Il

  1. Ces récits sont authentiques.