Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/179

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Non, mais il doit y avoir un vase rempli d’une solution antiseptique ; ma tête brûle, c’est la joie ; mettez un peu de fraîcheur sur mon front. »

Elle le fit de sa main douce et légère, elle imbiba les linges et, prenant contre elle cette tête endolorie, elle l’appuya contre son cœur, se tenant ainsi debout devant Hans.

« Écoutez. Les petits sont en parfaite santé, toujours robustes et charmants ; ils parlent sans cesse de leur papa. Je pense que, maintenant, ils sont à Rantzein étant partis aussitôt votre dépêche. Alexis et Rita sont dévoués, excellents, désolés aussi ; Max leur fils est quelque part, dans l’armée avec Georges Rozel, le neveu de notre bon curé.

— Mon Dieu, gémit Hans, pourvu que nous ne nous rencontrions pas sur le champ de bataille ! Ici, dans cette Alsace, la guerre est horrible. La frontière était une barrière idéale avant cette atroce lutte. J’ai vu des choses, pendant la mêlée, à révolter l’humanité : deux amis se trouvant en face, sabre en main, jettent leurs armes et se précipitent dans les bras l’un de l’autre, accouplant ainsi, dans leur étreinte fraternelle, les deux uniformes ennemis.

J’ai entendu dans cette ferme, où je suis, que nous avons prise par droit de conquête, entre mon maréchal des logis et le fermier, ce dialogue :

« Je viens prendre ta maison, mon pauvre grand-père.

— Prends. J’ai mis les bêtes dans le bois. Comment va ta femme, ma petite-fille ?

— Bien. Elle m’a dit : si tu vois grand-père et que vous preniez sa ferme, dis lui de venir nous rejoindre. Les rois peuvent s’entre-tuer, nous, on s’aime. »

Et le Prussien, en pleurant, embrassait le