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suppliant un conseil, une voix d’outre-tombe.

Minihic, tout à coup, lui toucha l’épaule.

« Madame, si j’allais embrasser les miens ?

— Va, et surtout sois au bateau dans une demi-heure ; tu sais ce que nous avons promis.

— Oh ! oui je sais. »

Et il dévala courant, insensé, fantastique, sous cette lune, qui faisait danser son ombre.

Les couronnes de fleurs fraîches ornaient la tombe, marquant la visite de Mme Carlet. Michelle n’avait rien, pas une rose ; mais elle eut une idée. En son portefeuille, étaient les photographies de ses deux enfants. Elle les prit, les posa contre la pierre, les abrita, comme elle put, avec des coquillages ramassés autour d’elle, des branches de tamaris et étreignant encore, cette dure croix de granit, qui la meurtrissait, elle prononça tout haut l’adieu suprême et se leva.

Sa mère était, là-bas, dans la ville aux remparts sombres, qui se profilaient sur les flots. Essayer de la voir serait insensé ; elle lui envoya de loin un baiser, écrivit au crayon, pour elle, un petit billet qu’elle plaça contre les portraits, à la garde de la morte. Puis elle partit…

Plus loin, la Roche-aux-Mouettes dressait dans le ciel sa silhouette escarpée. Elle contempla la ruine un instant, lui tendit les bras, en un geste irréfléchi et redescendit, enfin, jusqu’à la grève. Minihic était là. Son père le tenait serré contre sa poitrine.

Michelle tendit les deux mains au vieux matelot qui pleurait.

« Aidez-vous, protégez-vous tous deux, balbutiait Lahoul, s’adressant à son fils et à celle que, dans son cœur, il appelait toujours la petite Mouette ; ô mes enfants bien-aimés, je vous confie au bon Dieu, à Notre-Dame des marins. »