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Michelle, les yeux sur ces rives, n’avait pas bougé, obsédée de cette pensée :

« Hans rentre en France par le côté opposé à celui par lequel je fuis, moi. Il pénètre en ennemi, le sabre en main. Les chevaux des envahisseurs les portent vers Paris, pour mettre au cœur de ma patrie la misère et la douleur ! »

Alexis et Rita avaient respecté le silence de leur cousine ; mais voyant que cette attitude se prolongeait, ils vinrent près d’elle. Eux aussi étaient tristes. Leur fils Max, depuis trois jours, portait l’uniforme français. Rien n’avait pu empêcher le jeune homme de se souvenir qu’il était né à Paris, et son ami Georges Rozel s’était comme lui engagé volontairement.

« Revenez un peu avec nous, cousine, dit Rita affectueusement ; la chaleur est accablante, installons-nous sous la tente à l’arrière, nous y avons préparé notre oratoire. Venez,vous allez encore être reprise de fièvre.

— Non, c’est fini, fit Michelle ; j’ai fléchi un instant après le départ de ma mère, après mes adieux à l’abbé Rozel, qui est lui-même fort malade et n’a pas pu me parler ; je n’ai pas su dominer ma douleur, la maladie m’a terrassée ; mais à présent, l’énergie est revenue et il le faut. Nous n’avons que trop perdu de temps : Hans doit être horriblement inquiet.

— Je pense qu’il a reçu mes lettres, observa le prince. Il y a quinze jours, aucune communication n’était encore interrompue.

— Vous voyez, cependant, qu’il n’a pas répondu.

— Je pense que les messages pour l’étranger, quels qu’ils soient, sont lus, et cela cause des retards. Et puis, d’ailleurs, vous savoir malade et retenue à Paris, lui eût été plus pénible que le silence, peut-être.

— Nous allons lui télégraphier de Belgique ce soir.